Sur la mappemonde se dessinent deux grands ensembles latins : le nord de la Méditerranée occidentale et, de l’autre côté de l’Atlantique, l’Amérique du Sud avec l’isthme centraméricain et le Mexique. On y trouve quatre pays de poids : la France, l’Italie, de population presque égale, le Brésil (cent soixante millions d’habitants) et le Mexique (quatre-vingt-dix millions). Cinq sont membres de l’OCDE, club des vingt-cinq pays les plus industrialisés : les quatre du sud-ouest de l’Europe, ainsi que le Mexique, admis au printemps dernier ; et deux — la France et l’Italie — le sont du G 7, club des sept plus riches. Sauf rares exceptions — Cuba en est une —, ils sont maintenant d’option libérale et démocratique, ce choix étant de l’autre côté de l’Atlantique souvent récent et plus formel que réel. Tous sont aussi des républiques, sauf l’Espagne depuis peu, et sans ses quatre États latins l’Union européenne serait majoritairement faite de monarchies.

Dans le monde latin, deux alliances militaires assurent la sécurité, en coopération avec des non-Latins : d’une part, l’Alliance atlantique et, d’autre part, les liens, codifiés ou non, unissant les États-Unis au reste de leur continent. S’y construisent aussi deux groupements économiques, toujours avec des non-Latins : l’Union européenne et l’Association de libre-échange nord-américaine. Les deux blocs latins ne constituent donc à aucun titre des entités spécifiques, et si les Américains du Sud manifestent une indéniable solidarité, rien de tel n’existe en Europe.

La latinité, en réalité, ne s’arrête pas là. Sur notre continent, elle comprend aussi la Roumanie et la Moldavie, encore marquées par leur passé de romanité. Ailleurs, les Philippines, jadis colonie espagnole, s’en réclament. Veulent se ranger aussi dans ce rassemblement les États lusophones d’Afrique, fiers d’une culture héritée de l’ex-métropole, alors que les États de l’ex-Communauté française, après des hésitations dans quelques capitales particulièrement imprégnées de notre culture, disent en être à l’écart. Le Québec, la Wallonie et les petits districts francophones jouxtant nos frontières ont incontestablement des populations de culture latine, mais appartiennent à des ensembles nationaux qui ne se rattachent pas à la latinité. En dépit des définitions théoriques, latinité et francophonie ne sont donc pas en pratique, pour des raisons essentiellement politiques, comme ensemble et sous-ensemble. La francophonie, ou ce qui en reste dans l’ensemble se déclarant latin, n’y demeure pas moins le groupe culturellement le mieux organisé, sans être — et de loin — le plus nombreux ou le plus peuplé.