Dans cette même revue en octobre 1945, l’amiral Castex avait signé un article intitulé : « Aperçus sur la bombe atomique ». Le contre-amiral Jean-Luc Duval, commandant le Centre d’enseignement supérieur de la marine (CESM), membre de l’Académie de marine, nous fait connaître ses remarques pertinentes sur ce texte.
Histoire et doctrines nucléaires
Dans le numéro d’octobre 1945 de la revue Défense Nationale, le vice-amiral Raoul Castex faisait part, deux mois après les bombardements de Hiroshima et de Nagasaki, des réflexions que lui inspirait l’explosion « dans le ciel nippon et aussi, dans l’histoire même de la guerre », des premières bombes nucléaires. Cet article, intitulé « Aperçus sur la bombe atomique », était prophétique et l’on peut affirmer aujourd’hui que l’amiral Castex avait vu juste et qu’il a été le premier, en un certain sens, à conceptualiser la doctrine nucléaire française.
« Il est bien peu vraisemblable que, dans l’avenir, le secret de la bombe atomique restera l’apanage d’une seule nation, à savoir les États-Unis… Il est probable au contraire que tous les peuples travailleront intensément la question, lançant leurs savants et leurs inventeurs sur cette piste et consacrant à cette recherche des crédits très élevés ». Cette prédiction s’est révélée exacte, puisque le monopole nucléaire américain a cessé en 1949 avec l’explosion de la première bombe soviétique, suivie respectivement en 1952 et 1960, des premières explosions nucléaires britanniques (en Australie) et françaises (à Reggane), puis enfin de la première explosion chinoise.
Paradoxalement, pourrait-on dire que si le président Truman n’avait pas pris la décision de rayer de la carte les villes de Hiroshima et de Nagasaki, les États-Unis auraient conservé leur monopole nucléaire beaucoup plus longtemps ? « On est donc en droit de penser que tout le monde ou presque, au moins les États possédant un potentiel scientifique, industriel et financier assez développé, sauront et pourront confectionner des bombes atomiques et que cette fabrication passera assez vite dans un domaine relativement public ». Comment mieux mettre en évidence le fait que toute arme nouvelle, quelle que soit sa complexité, finit par proliférer par la conjugaison des intérêts économiques des uns et de la volonté des autres, avides de puissance et de pouvoir ? L’exemple de Saddam Hussein est bien sûr dans toutes les mémoires, mais il n’est pas le seul, puisque l’on estime aujourd’hui que huit pays possèdent un armement nucléaire (dont les cinq membres du Conseil permanent de sécurité) et que cinq autres ont été ou sont des « États du seuil ».
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