L'Éthiopie en convalescence
Avec un PNB par habitant de 150 dollars, l’Éthiopie est aujourd’hui l’une des nations les plus pauvres de la planète alors qu’elle fut jadis un royaume chrétien particulièrement prospère. Cette contrée attachante a successivement connu des périodes fastes et des tragédies terribles comme celles qui ont caractérisé la dictature de Mengistu dans les années 80. Depuis la chute du tyran en 1991, le pays martyr se relève lentement d’une situation désastreuse. Dans cette phase de convalescence qui s’annonce longue, l’ancien grenier alimentaire de l’Afrique orientale entend utiliser son extraordinaire richesse culturelle pour se redresser.
Le prestige et l’enfer
Une civilisation prestigieuse
Selon la légende, l’Empire éthiopien serait né de l’union du roi Salomon et de la reine de Saba. Toutefois le pays entre dans l’histoire au deuxième millénaire avant notre ère avec les expéditions envoyées dans la zone située sur la rive occidentale de la mer Rouge par les souverains d’Égypte pour ramener l’encens. Les Égyptiens appellent alors habashas (peuples mélangés) les populations qui vivent dans ce pays, d’où le nom d’Abyssinie donné à cette région qui constitue une grande partie de l’Éthiopie d’aujourd’hui (1). Au VIe siècle avant notre ère, des émigrants venus d’Arabie fondent le royaume d’Axoum qui demeurera la capitale religieuse du pays pendant un millénaire. Ses habitants se convertissent au christianisme à partir du IVe siècle. Les différents souverains étendent leur domination sur les populations africaines voisines et lancent même des expéditions vers le Yémen en traversant la mer Rouge. L’influence régionale de l’Abyssinie connaît alors son apogée et alimente une importante dynamique d’échanges commerciaux. Cependant, la propagation de l’islam à partir du VIIe siècle isole l’Abyssinie du reste du monde chrétien. Contraints de réduire leurs activités de négoce, les Abyssins se retirent dans les montagnes et se tournent vers l’agriculture. Ce mouvement d’exode engendre un antagonisme très fort entre les chrétiens et les musulmans. Au XVIe siècle, le pays est envahi par les hordes de l’imam Gragne qui a soulevé les populations musulmanes de la corne de l’Afrique. La contrée est sauvée par une intervention portugaise (1542). Au début du XVIIe siècle, le négus (roi des rois) se convertit au catholicisme, mais le clergé copte et les habitants refusent l’obéissance au pape. Cette période voit alors se succéder une suite de grands souverains qui forgent les fondements d’une civilisation avancée. Le négus Fasilidas fait notamment construire une capitale à Gondar où l’édification de multiples monastères, églises et lieux de prestige font de ce royaume l’un des grands pôles culturels de l’époque.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’Empire abyssin se fissure sous la pression des Oromos, un groupe de nomades hostiles au christianisme en provenance du Sud. Les empereurs ne parviennent pas à contrôler les provinces aux mains de puissants gouverneurs qui entrent souvent en rébellion contre le pouvoir central. Cette rivalité entre la capitale et la périphérie lointaine va demeurer une constante dans l’histoire de l’Éthiopie toujours à la recherche d’un ciment unificateur. L’établissement d’un tel lien national sera toutefois l’objectif de l’Église copte, malgré la défiance des communautés musulmanes. Il faudra attendre 1885 pour que le pays s’engage sur la voie d’une réunification. Sous le règne de Ménélik II, l’Éthiopie s’étend considérablement vers l’ouest, l’est et le sud. Le souverain offre ainsi à l’aristocratie d’abondantes ressources en terres prises sur les provinces conquises. Le célèbre empereur fonde une nouvelle capitale, Addis-Abeba. La cité est située en pays de langue oromo, au contact du vieux royaume chrétien amhara et des terres habitées par les païens et les musulmans. Tous les peuples sont représentés dans ce véritable creuset culturel, chacun d’eux étant spécialisé dans certains emplois. Par ailleurs, Ménélik II fait ouvrir de nombreuses voies de communication dans tout le territoire. Le monarque choisit notamment la France pour construire la voie ferrée Addis-Abeba-Djibouti.
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