Politique et diplomatie - Le roseau de l'Euphrate
Le roseau plie et ne rompt pas. En seize ans de guerres et de crises, le pays des deux rivières — le Tigre et l’Euphrate — a parfois plié. Il n’a jamais volé en éclats. Qu’on le déplore, qu’on s’en accommode ou qu’on s’en félicite, un quintuple constat s’impose. Son territoire n’a pas été amputé. Son régime demeure en place. Son économie ne s’est pas effondrée. Son crédit auprès des autres pays arabes s’est peu à peu restauré. Son habilité lui vaut de sauvegarder la fierté nationale sans pour autant rompre avec le Conseil de sécurité. Celui-ci a imposé à l’Irak de lourdes obligations. Certes, dans leur principe, elles répondent à un louable souci de prudence, dicté par la fragilité de la région ; mais plus le temps passe et plus le traitement réservé à cet État contraste avec les avantages dont bénéficient d’autres États de cette même région, au passé lui aussi belliqueux.
Depuis sept ans, en effet, il est soumis à un dispositif juridique draconien. Le 3 avril 1991, le Conseil approuvait la résolution 687, qui lui prescrivait de rendre inutilisables les armes nucléaires, chimiques et bactériologiques dont il aurait pu disposer, ainsi que les missiles d’une portée supérieure à 150 kilomètres, de ne pas en fabriquer ni en acquérir et d’accepter une inspection internationale. Un strict embargo décidé lors de l’invasion du Koweït ne devait être levé que si ces exigences étaient satisfaites (1).
L’embargo entraîne de sévères restrictions alimentaires qui font souffrir la population. Une résolution dite « pétrole contre nourriture », autorisant l’achat limité de vivres et de médicaments contre la vente de pétrole, n’a apporté qu’un mince palliatif à cette pénible situation. Elle est arrivée bien tard puisqu’elle n’a été votée qu’en 1995, et, qui plus est, n’a pu prendre effet que l’année suivante. Elle est moins généreuse dans la réalité que sur le papier : les ventes semestrielles de pétrole, au lieu des 2 milliards de dollars prévus, n’ont jamais dépassé 1,3 milliard, dont il faut défalquer de coûteuses indemnisations, à commencer par la couverture des frais d’inspection. Elle crée une zone d’exception en plaçant les vastes provinces kurdes sous l’administration des Nations unies pour ce qui est de son application. Elle s’ensevelit sous une montagne de paperasse, multipliant du même coup les occasions de freiner ou d’arrêter des mécanismes compliqués, d’autant qu’à Bagdad se réveillent alors des susceptibilités à fleur de peau.
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