Directeur des études de l'École des hautes études internationales et chercheur asosicé à l'Observatoire d'analyses des relations internationales contemporaines, l'auteur trait de façon très complète de l'Afghanistan des taliban : il nous apporte des informations précises et formule un pronostic dont on ne peut pas dire qu'il soit très satisfaisant pour un pays qui subit la guerre depuis des décennies.
L'Afghanistan des tâlebân
Pays enclavé et essentiellement montagneux, l’État d’Afghanistan est né de la volonté conjointe des Empires britannique et russe, à la fin du XIXe siècle, de séparer leurs territoires respectifs par un État tampon. Son histoire a longtemps été marquée par l’instabilité politique et par l’interventionnisme plus ou moins direct de ses voisins, jusqu’à ce qu’en 1979 l’Union soviétique envahisse le pays, face au risque d’explosion d’un pouvoir communiste fragilisé par les rivalités claniques et de personnes. La guerre civile endémique qui agitait l’État afghan prit alors une tournure nouvelle, dans laquelle les objectifs nationalistes de lutte contre l’occupant soviétique furent renforcés par l’impératif religieux de la djihad contre l’infidèle, historiquement chrétien et idéologiquement athée.
Durant dix ans, la guerre des moudjahidin afghans contre les forces soviétiques fut un des principaux abcès de fixation de l’affrontement mondial Est-Ouest. Leur résistance fut largement soutenue, financée, armée, par les États-Unis et leurs alliés régionaux (Arabie Saoudite et Pakistan) et aboutit à l’échec soviétique, marqué par le retrait de l’armée rouge en 1989. C’est alors qu’apparurent au grand jour les fragilités d’une résistance dont les observateurs n’avaient pas voulu voir l’hétérogénéité politique (plus d’une dizaine de partis y coexistaient), ethnique (entre Pashtous (2), Ouzbeks, Hazaras, Tadjiks…), voire religieuse (entre musulmans, sunnites et chiites). Les fractures entre les divers mouvements de la résistance se généralisèrent après 1992, quand les luttes entre factions remplacèrent le combat contre le communisme : l’Afghanistan semblait voué à sombrer dans l’anarchie, sous l’œil globalement indifférent de la communauté internationale.
Pourtant, en moins de deux ans, les milices tâlebân, un mouvement politico-militaire jusqu’alors inconnu, réussirent à conquérir et pacifier presque tout le pays : c’est aujourd’hui plus de 90 % du territoire afghan qui sont sous leur contrôle, les combats étant désormais circonscrits aux seules vallées du Nord-Est. Dans leur sillage, les combattants tâlebân instaurèrent leur pouvoir, exclusivement inspiré par la charia, la loi fondée sur la hiérarchie des sources de la foi musulmane. Résurgence du traditionalisme pashtou et rural pour les uns, avatar incontrôlé de l’expansion musulmane pour les autres, le phénomène tâleb demeure difficile à analyser, même dans l’environnement mouvant et tourmenté de l’Asie médiane. Si les mécanismes de la victoire des tâlebân sont aujourd’hui explicables, le fonctionnement de leur gouvernement est plus délicat à comprendre, et leur avenir est difficilement discernable.
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