Politique et diplomatie - La structure et le signe
Jusqu’à une époque récente, la politique étrangère reposait sur des structures définies. Elles prenaient corps dans des traités et des institutions, ainsi que dans l’officialisation de rapports entre gouvernements, obtenue avec force signatures solennelles apposées sur des textes proclamés aussi inaltérables qu’irrévocables. Ainsi était clarifiée, ou plutôt entérinée, l’évolution des rapports de puissance. Se superposant, elles formaient autant d’édifices laborieusement mis en chantier où s’engrangeaient les récoltes, parfois maigres, apportées par les négociations ou les campagnes militaires, soit autant de cristallisations de desseins plus ou moins ambitieux et plus ou moins avortés, autant de sillons tracés par de vieux peuples de laboureurs.
Cette grande muraille de papier, bâtie par des nations éprises de droit écrit, les protégeait contre l’assaut de perturbateurs pouvant surgir des brumes de l’avenir. Nous étions, nous Français, à l’aise dans ce système, aussi plaisant pour un esprit cartésien que favorable à la protection des positions acquises. Par surcroît notre langue sourcilleuse, celle précisément de la diplomatie, allait de son propre mouvement détecter avec l’automatisme d’un radar la formule équivoque ou la virgule fallacieuse. Ainsi, lorsque les pays d’Europe, avec souvent le nôtre pour chef d’orchestre, donnaient le la dans le concert des nations, aucun refrain n’était repris sans une partition claire et soigneusement composée. Non seulement tout était décrit et ordonné, mais encore des mécanismes, des organismes, des pactes militaires étaient mis en place pour fixer l’avenir.
La diplomatie de signe
À cette diplomatie de structure, bien connue chez nous, se substitue toujours davantage une diplomatie de signe. Celle-ci, au lieu de reposer comme la première sur des conventions formelles conclues entre les parties en cause, s’en remet de préférence à des signaux auxquels répondent d’autres et à des actes matériels sujets à interprétation, en traitant de situations du moment plutôt que d’élaborations conceptuelles, et en trouvant appui sur des pratiques plutôt que sur des textes. Un bon exemple a été fourni par le traité de Maastricht pour ce qui concerne le passage à l’euro, puisque la Commission disposait de la faculté de donner un avis favorable à l’admission d’un État qui, sans répondre aux critères de convergence (reste de la diplomatie de structure), s’en rapprocherait de façon effective et constante. Cette faculté a été utilisée par les commissaires lorsque, au mois de mars dernier, ils ont tranché en faveur d’une interprétation souple, dite « en tendance », de divers critères ainsi privés d’automaticité.
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