La fragmentation des pouvoirs au sein de l’Europe ne permet plus de maintenir une puissance autonome comme c’était le cas dans le monde bipolaire. Comment dans ce cas avec la nouvelle donne internationale redéfinir une puissance française ? Comment réinventer une posture de puissance en procédant à l’aggiornamento stratégique que le basculement du monde vers l’Asie rend nécessaire ? Le continent eurasiatique redevient, après un sommeil de trois siècles, le pivot du monde ; la puissance française peut échapper à cette hégémonie en prenant appui sur un cercle de points stratégiques qu’il convient à la puissance publique de définir afin d’éviter que l’État ne soit qu’un masque de l’action d’acteurs secondaires des relations internationales dont les gouvernements sont loin de contrôler l’action. Il s’agit donc d’un effort continu pour maintenir et accroître la puissance française parmi la puissance des autres nations. Telle est la thèse présentée ci-dessous.

Trouver la bonne posture

Quelle peut être la place de la France dans le concert actuel des nations ? Quel est le statut de puissance de la France aujourd’hui ? Est-ce une grande ou une moyenne puissance banalisée ? Quelle peut être la puissance de la France aujourd’hui après le désastre de 1940, l’échec des guerres coloniales et le tropisme européen vers l’Est depuis la réunification allemande ? Nous sommes devenus une petite puissance du point de vue démographique, 65 millions d’habitants en 2010. Le monde bipolaire s’est effondré, tous les modèles anciens sont à présent obsolètes. Nous devons à la fois gérer l’héritage colonial, l’indépendance nationale au sein d’une interdépendance européenne qui remet en cause l’idée du territoire français comme espace clos. Le concept de frontière naturelle a été jusqu’en 1989 protégé par la sanctuarisation nucléaire : la mystique française de l’espace du territoire sacralisé s’est estompée devant les réalités de la mondialisation.

Et pourtant, l’idée de la projection de la France dans la conception universaliste qui est la sienne vers des territoires étrangers montre que la logique interventionniste, la mystique planétaire est bien un reste de puissance puisque la France ne renonce pas à la vocation universelle héritée des droits de l’homme de 1789.