Asie - Singapour, retranché dans ses certitudes
Singapour cherche à réagir aux conséquences que la crise asiatique pourrait avoir sur la « Cité du Lion ». Cela implique une mutation de ses activités économiques vers plus de libéralisation. Faisant appel à plus de créativité pour diversifier ses activités, le gouvernement ne semble pas disposé à laisser se développer les conditions de celle-ci, c’est-à-dire plus de clarté dans son système économique et une société plus libre, en particulier concernant la presse et l’expression politique.
Coincé entre l’Indonésie et la Malaysia, Singapour craint plus qu’autre chose tout ce qui pourrait remettre en cause son ordre social. Dans la presse, tout ce qui pourrait perturber l’harmonie raciale et religieuse est banni. Il n’est pas conseillé de traiter des activités des compagnies liées au gouvernement comme la Corporation d’investissements de Singapour. Les seules critiques du gouvernement que s’autorise The Straits Times, le grand quotidien local, consiste en la rubrique du courrier des lecteurs, passée sur deux pages en 1998. Cependant, elle ne traite que de petits problèmes comme l’accès aux transports publics ou les handicapés. Dans des sondages de crédibilité effectués auprès des lecteurs asiatiques, la presse singapourienne a traditionnellement été classée derrière ses consœurs thaïlandaise, philippine et japonaise, ne passant devant les presses indonésienne, sud-coréenne et chinoise que depuis le début de la crise asiatique pour ses comptes rendus régionaux. Le Premier ministre Goh Chok Tong, dans un entretien publié par la Far Eastern Economic Review du 24 décembre 1998, rappelait qu’il fallait faire une différence entre le reportage et le débat. Ce dernier a sa place dans les forums ou courriers des lecteurs, mais il faut s’opposer à ce que le journaliste injecte son point de vue personnel sur les problèmes évoqués, car il peut alors influencer le lecteur par sa manière de présenter les faits.
Lors des dernières élections législatives, le gouvernement avait averti les circonscriptions qui voteraient pour l’opposition qu’elles ne pourraient pas disposer des mêmes services que celles qui se prononceraient pour le parti au pouvoir, le People’s Action Party (PAP). Dans le même entretien, Goh Chok Tong trouve ce chantage normal, affirmant que cela se fait partout, en Malaysia ou aux États-Unis. Il n’y a qu’à Singapour que les choses sont dites franchement. Bien sûr, il n’est pas question de ne pas fournir l’eau ou l’électricité qui sont dues à tous, mais s’il s’agit d’améliorations locales, comme le logement ; il faut bien récompenser ceux qui vous ont fait confiance. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant qu’aux élections du 2 janvier 1997, les candidats du PAP aient, avec 67 % des voix, remporté 81 des 83 sièges du Parlement. Comme la Constitution fixe à trois le nombre minimal de députés de l’opposition, il a fallu repêcher le meilleur perdant, mais il n’a pas les mêmes droits de vote que les autres députés. En ce qui concerne le régime politique paternaliste en vigueur, basé sur les valeurs confucéennes, Goh Chok Tong ne voit pas la raison d’en changer. Pour lui, l’évolution du régime consiste en une relève graduelle par les jeunes ministres formés dans le système actuel, c’est-à-dire sans discontinuité, lui-même se voyant succéder au Senior Minister Lee Kuan Yew dans le rôle du patriarche conseiller du gouvernement. En attendant, il dispose de pouvoirs encore plus étendus que ceux de son prédécesseur, depuis qu’un amendement à la Constitution, en date du 28 octobre 1996, a réduit ceux du président de la République.
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