Le livre que vient de publier le réputé critique militaire britannique se distingue de ses œuvres précédentes par son objectivité. Il tire son intérêt principal des conversations rapportées par lui au cours de véritables interviews qu’il a pu prendre auprès de quelques-uns des généraux allemands les plus notables de la dernière guerre. Il semble que ceux-ci n’aient mis aucune mauvaise grâce à révéler à ce grand théoricien leurs pensées les plus secrètes et nous ne pouvons que nous en féliciter. En ce qui concerne le rôle de Hitler, celui-ci – de l’avis de Liddell Hart – n’a été, en somme, que celui d’un brillant amateur en stratégie avec les limitations que ce terme comporte.

L’auteur a soulevé avec ses interlocuteurs le problème de l’arrêt de la guerre à Dunkerque ; il semble bien que les généraux allemands et Hitler lui-même avaient une sorte de crainte instinctive de la barrière constituée par la mer pour la défense de la Grande-Bretagne et qu’ils ne se soient pas rendu compte de la faiblesse des forces métropolitaines anglaises. Au contraire, ils ont sous-estimé la puissance moscovite.

Parmi les différentes personnalités qui défilent au cours de ce récit, une des plus intéressantes est celle de von Rundstedt que Liddell Hart considère comme un excellent soldat et un homme d’honneur ; bien qu’il se rendit compte de la faiblesse du plan défensif désespéré mené dans les Ardennes, il crut de son devoir de tenir jusqu’au bout et de laisser le maréchal Model courir sa chance. Au sujet de l’aviation, Liddell Hart a demandé au général Studert, qui était un expert qualifié en matière de troupes aéroportées, pourquoi celles-ci ne furent pas davantage utilisées ; la réponse a été : à cause de l’insuffisance de leur entraînement.

Liddell Hart note l’opinion très favorable qu’ont eue les chefs allemands de la supériorité du service de renseignements britannique sur le leur. De toute façon, cet ouvrage révèle une foule de détails et d’opinions suggestives et mériterait, semble-t-il, une traduction.