© Malaury Buis, Armée de l’air
Les récentes publications de tribunes attribuées à des militaires ou anciens militaires ont suscité de vives polémiques. Au-delà du questionnement soulevé par ces textes, il est important de réfléchir sur le droit d’expression, le devoir de réserve et la responsabilité intrinsèque du militaire dans la Nation. D’où la publication simultanée de trois réflexions proposant une approche croisée autour de ce thème, rédigées par trois officiers recouvrant le stratégiste, le chef opérationnel et l’historien militaire. Réflexions essentielles à l’heure où le débat politique s’intensifie alors que la France rentre dans une année de campagne électorale.
The recent publications of forums attributed to soldiers or former soldiers have sparked heated controversy. Beyond the questions raised by these texts, it is important to reflect on the right of expression, the duty of reserve and the intrinsic responsibility of the soldier in the Nation. Hence the simultaneous publication of three reflections offering a cross-approach around this theme, written by three officers covering the strategist, the operational chief, and the military historian. Essential reflections at a time when the political debate intensifies as France enters a year of electoral campaign.
Note préliminaire : l'article a également été publié par Libération le 12 mai 2021.
Écrire à nouveau sur ce sujet, c’est peut-être prolonger inutilement une polémique disproportionnée et caricaturée. Alors le plus simple n’aurait-il pas été de traiter « l’affaire » comme, dit-on, le général de Gaulle l’aurait fait il y a 60 ans en lâchant : « ce qui est grave dans cette affaire, c’est qu’elle est sans importance ». J’ai eu pour supérieurs hiérarchiques un grand nombre des généraux signataires de la tribune qui a enflammé le débat médiatico-politique dans notre pays. Je respecte chacun d’entre eux pour leur carrière, pour les années qu’ils ont consacrées à notre pays. Et je me refuse à juger l’engagement d’une vie sur une « tribune ». Mais même si le constat qu’ils dressent semble largement partagé, je ne partage pas la forme et le fond de leur démarche.
Je ne rentrerai pas dans l’impossible débat sur le devoir de réserve que j’entends depuis plus de 20 ans avec son lot d’incohérences : le rapport annexé de la dernière LPM mentionne l’objectif de faire des militaires des citoyens comme les autres (1) ; ce qui en soit est déjà un non-sens philosophique et déontologique, mais à l’inverse on les prive des droits des citoyens « normaux » que l’on voudrait qu’ils deviennent. On rabâche à l’envi que les militaires sont soumis au devoir de réserve mais on n’en a jamais lu et ni entendu autant (dont moi d’ailleurs). Tout cela me paraît bien inconfortable et je ne m’abriterai pas derrière des lois ou des règlements inconsistants dans leur application pour exprimer ce qui m’oppose à cette façon de faire.
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