Dans son nouvel éditorial, le général Pellistrandi salue le succès du déroulement des Jeux olympiques de Paris 2024, alors que le monde a les yeux rivés sur la capitale française. Cependant, si trève olympique il y a, notamment dans le paysage politique national, elle ne sera que de courte durée ; l'organisation de la cité reprenant bientôt ses droits. Au niveau international, les incertitudes triomphent, que ce soit à l'est de l'Europe ou au Moyen-Orient.
Éditorial – Certitudes, incertitudes… (T 1621)
Après des mois de scepticisme, de déprime collective, d’invectives politiques, de violences verbales, voire physiques, la France, quoiqu’il arrive, sort renforcée par ces Jeux olympiques. Bien sûr, il y aura toujours matière à polémique : certaines scènes sur la Seine pour l’ouverture, quelques dysfonctionnements çà et là – mais souvent très vite corrigées. Nous pouvons constater un engouement populaire dépassant largement le simple public français. Les stades et sites de compétition sont pleins à craquer, la France accueille le monde et cela se voit. Cette réussite n’est pas due au hasard, mais bien à l’immense travail réalisé depuis des années par tous les acteurs concernés, de l’État, des collectivités territoriales, des fédérations, des organisations sportives avec le Comité international olympique (CIO) en tête de file, jusqu’aux dizaines de milliers de bénévoles, sans oublier les Forces armées, les Forces de sécurité intérieures largement applaudies dans leur travail de sécurisation. Et de fait, les corbeaux noirs des extrêmes qui ne cessaient de « tweeter » à l’incapacité de la France à organiser un tel événement ont bien fait de prendre des vacances, tellement leur incapacité à fédérer, à positiver et à apprécier est grande.
Bien entendu, cette période sera éphémère et ne parviendra pas à résoudre tous les problèmes de la France. Il n’en demeure pas moins que le pari des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024 est, jusqu’à présent, réussi et il faut s’en réjouir. Un État démocratique, libéral et européen est encore capable de réaliser un tel événement et c’est tant mieux dans un monde d’incertitudes stratégiques.
Parmi les certitudes de ce mois d’août exceptionnel, figure la défaite médiatique de la Russie. Certes, celle-ci progresse dans son grignotage sur la ligne de front en Ukraine, mais Kyiv tient bon. Les premiers avions F16 viennent d’arriver et le simple survol de Kyiv ou d’Odessa par ces avions vient renforcer le moral d’une population largement éprouvée. Le F16 sera-t-il à l’Ukraine, ce que les Spitfire furent aux Britanniques à l’été 1940 ? Pour Moscou, le bilan estival est plus négatif : les manœuvres de déstabilisation des JOP ont échoué, la propagande du Kremlin autour du sport en victimisant ses athlètes n’a rien donné, d’autant plus que le partenaire stratégique qu’est la Chine bénéficie pleinement de l’effet JO et récolte à grande vitesse les médailles, se souciant fort peu des états d’âme des Russes. Là encore, il faut rester prudent et la rentrée ne verra probablement pas l’euphorie olympique se poursuivre. Cependant, cela fonctionne jusqu’à présent, et c’est tant mieux.
En revanche, une grande incertitude stratégique touche le Proche et Moyen-Orient avec des conséquences incalculables en cas de dérapage complet. L’élimination ciblée du chef politique du Hamas, Ismaël Hanyeh, en plein cœur de Téhéran et à l’occasion de l’intronisation du nouveau président iranien, ouvre une période inédite avec un risque de déflagration majeure si la diplomatie ne parvient pas à limiter la réponse de Téhéran. Chaque heure qui passe accroît la tension, tandis que chacun se prépare au pire. D’autant plus que, depuis les attaques terroristes du 7 octobre, seules les armes parlent, les tentatives de négociations étant bloquées par l’intransigeance des uns et la surenchère des autres. Sans oublier les grands dossiers que sont le nucléaire iranien et la succession potentielle du Guide suprême, l’Ayatollah Khamenei. Une grande partie de notre avenir est donc en train de s’écrire dans cette région, sans que l’on connaisse la conclusion du drame… si conclusion il y a !
Ces incertitudes stratégiques s’inscrivent également dans le cadre de la course à la Maison Blanche avec, là aussi, une inconnue majeure : la « Kamalamania » peut-elle rebattre les cartes d’une élection qui voyait, il y a encore quelques semaines, Donald Trump, auréolé de sa survie miraculeuse, quasi assuré de l’emporter sur un Joe Biden, trop âgé et usé pour résister au rouleau compresseur républicain ? Trump est désormais sur la défensive, l’obligeant déjà à revoir sa campagne face à Kamala Harris qui a su, en quelques heures, endosser l’habit de candidat avec une efficacité que peu lui prêtaient jusqu’à présent.
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Oui, les JOP de Paris 2024 sont, jusqu’à présent, une réussite et il faut s’en réjouir car la France a su relever le défi et, en quelque sorte, se rassurer après sa dépression du printemps, même si le champ politique va très vite se rouvrir. Heureusement, parmi les certitudes acquises, le fait que les politiques – par les excès des extrêmes – se sont beaucoup discrédités et que de nouvelles icônes bien plus populaires et sympathiques – nos médaillés, nos sportifs notamment – fédèrent davantage.
Néanmoins, les incertitudes stratégiques sont là, à nos portes et les semaines à venir seront difficiles, voire tragiques, que ce soit à l’Est du Vieux continent ou au large de la Méditerranée orientale. Tout est possible mais, trop souvent, la raison risque de ne pas résister à la passion. ♦