L’Islam, de nos jours, étonne l’Occident, scandalise parfois. Sa dynamique est partout sensible, en Asie et en Afrique. Nos moyens d’information relatent l’effervescence qui secoue le monde musulman : en Iran et en Afghanistan, bien sûr, mais aussi en Égypte, en Syrie, en Tunisie, au Sénégal où s’agitent des mouvements que nous qualifions d’« intégristes » ou de « fondamentalistes », de tendances variées, assez unis cependant dans un rejet de la culture euro-américaine. Au Caire, un « modéré », le Président Sadate fait décider, par le référendum du 22 mai 1980, que l’Islam redeviendra « la source principale » d’une législation civile encore marquée d’influences occidentales. En Algérie, l’édification du socialisme se fera « dans le cadre des valeurs nationales et islamiques » (nouvel article 7 des statuts du parti F.L.N. adoptés en juin 1980). Au Pakistan, l’on réislamise droit public, code pénal et régime fiscal. En Indonésie grandit l’opposition musulmane au régime Suharto accusé « d’hypocrisie et de corruption » (1).
Toutefois, l’attention est bien moins attirée sur un autre aspect du fait islamique contemporain. Dans sa tentative de se démarquer du XXe siècle laïque et matérialiste, devant les énormes problèmes économiques qu’affrontent les pays du tiers-monde musulman depuis une dizaine d’années, l’Islam retrouve les chemins de l’unité et de la solidarité pour reconstruire, à partir d’une communauté divisée, un « commonwealth » islamique dans le contexte contemporain. On peut s’interroger sur le sens d’une telle résurgence de la vieille idée panislamique mort-née à la fin du siècle dernier surtout quand deux pays musulmans se battent. Est-ce un phénomène de circonstance ou l’annonce d’une réalité géopolitique de demain ?
Une communauté divisée
L’Islam, on le sait, est tout à la fois religion, civilisation et communauté. L’« umma » est l’ensemble de ceux qui se « soumettent » à la loi de Dieu, sens même du mot « islam » en arabe. Dans une formulation universaliste, le message coranique transcende races, peuples, nations, régimes socio-politiques, frontières. C’est une vision du monde avec Dieu à la clef de voûte, mais centrée sur l’homme, assurant un équilibre entre l’individualisme libéral de type occidental et le collectivisme qui déshumanise l’individu au profit de l’État devenu une fin en soi. Idéologie d’une société soumise à la loi divine — la « chariâ » — l’Islam, par définition, est à vocation internationale.
Cependant les vicissitudes de l’histoire ont peu à peu divisé la communauté des premiers temps de l’Hégire. Dès l’origine, des schismes ont ébranlé son unité spirituelle sans pourtant jamais atteindre les fondements mêmes de la foi. Le prophète Mohammed étant mort sans héritier mâle et sans avoir organisé sa succession, la dévolution du pouvoir de gestion temporelle et spirituelle d’une communauté sans Église et sans prêtres fut la cause des deux schismes qui se sont perpétués jusqu’à nos jours : le Kharejisme, où la gérance (entendez le califat) doit revenir au plus digne des croyants quelle que soit son origine, le « chiisme », où le califat est l’apanage de la descendance d’Ali, gendre et cousin du prophète, son plus proche parent mâle. On connaît la fortune du chiisme de nos jours, en Iran, mais aussi en Irak où il est majoritaire, au Pakistan (30 % de la population), en Syrie (où les « Alaouites » ont le pouvoir politique), au Liban (800 000 chiites).
Bien sûr, on ne peut réduire ces deux sectes (2) à des divergences politiques sur l’attribution du pouvoir dans la communauté. Avec le temps se sont greffées des considérations proprement religieuses (3) qui opposent leurs tenants à l’Islam orthodoxe dit « sunnite », celui de la tradition (la « sunna ») que suivent de nos jours près de 90 % des musulmans.
À l’intérieur de l’Islam sunnite, l’unité n’est en rien entamée par l’existence de quatre rites officiels, c’est-à-dire quatre lectures juridiques admises par la loi révélée (malékite, hannafite, chaféite et hanbalite). En revanche, en dehors de la sphère proprement arabe, les masses populaires d’Afrique et de l’Asie du Sud et du Sud-Est vivent un Islam assez éloigné du strict islamisme pratiqué en Arabie Saoudite ou ailleurs par les élites religieuses, les « oulamas ». Le substrat culturel varié sur lequel s’est greffé l’Islam hors du Moyen-Orient réapparaît sous la forme de pratiques animistes (Afrique noire, Berbères d’Algérie et du Maroc) ou d’un syncrétisme avec le vieux fonds hindouiste ou bouddhique (Inde, Indonésie) ou encore du refus du statut personnel coranique remplacé chez les Berbères du Maghreb par le vieux droit coutumier.
Au surplus, l’Islam populaire a introduit un peu partout le culte des saints dans une religion où l’homme est tout à fait seul face à Dieu et à sa conscience. On vénère ainsi les tombes de pieux personnages (« marabouts », « koubas », « seids »). On y fait des sacrifices d’animaux pour obtenir récolte, guérison, naissance. Des pratiques étrangères à l’orthodoxie musulmane, bannies d’Arabie Saoudite depuis la réaction wahhabite au XVIIIe siècle, sont florissantes ailleurs. Ce culte a engendré des familles maraboutiques et des confréries contre lesquelles les « oulamas » n’ont cessé de s’élever, mais pas toujours pour de simples motifs religieux (4).
La cause majeure de division de la communauté musulmane est venue de l’extérieur, de l’Occident, avec la colonisation européenne. Sur le plan culturel, l’occidentalisation de certaines élites formées en Europe, puis en Amérique, l’introduction de mœurs nouvelles véhiculées par le cinéma et la télévision, ont créé des clivages dans la société islamique. Certains, encore peu nombreux, ont été conduits sur les chemins de l’athéisme et, de là, au marxisme, que d’aucuns jugent compatible avec l’Islam (« islamo-progressistes palestiniens, iraniens, etc.). D’autres ont acquis en Occident la conception, étrangère à l’Islam, d’une société laïque (le mot est intraduisible en arabe dans sa pleine acception en France avec sa touche anticléricale), une société où Dieu et César vivent séparés (5). Si les élites musulmanes n’ont pas toutes rejeté l’Islam — bien loin de là — une partie se trouve aujourd’hui en porte à faux vis-à-vis des masses populaires demeurées attachées à leur foi et à leurs pratiques ancestrales. Ce divorce est perceptible non pas seulement en Iran, où il est sensible, mais dans la plupart des pays musulmans où se fait entendre maintenant la voix des profondeurs.
Sur le plan politique, l’Occident devait être le plus grand commun diviseur de l’Islam. La colonisation a, en quelque sorte, « atomisé » le monde musulman. Malgré sa décadence, l’empire ottoman était, jusqu’à son effondrement en 1918, la seule formation politique islamique indépendante avec la Perse. Contre le déclin continu de l’Islam une réaction s’était dessinée au XIXe siècle, pour appeler à la lutte contre l’occupant, mais aussi au retour à une pratique plus authentique de l’Islam, jugé capable dans son essence même de s’adapter au monde moderne en prenant à l’Occident, avec sa science et sa technique, le secret de sa force.
Jemal Ad Din El Afghani (1837-1897), un Persan, allait plus loin. Il voyait dans l’union des pays musulmans l’unique moyen de vaincre l’Occident. L’idée encore confuse du panislamisme était lancée. Elle n’eut qu’un faible écho, à l’époque. Au début de ce siècle, la pensée musulmane s’orientait davantage vers un réformisme faisant une large place à la raison et à l’étude des sciences : avec l’Égyptien Mohammed Abdhou (mort en 1905) et les réformateurs indiens (6). Au surplus, l’abolition du califat en 1924 par les kémalistes turcs laïcisants faisait disparaître le dernier symbole d’une unité communautaire devenue au fil des ans plus théorique que réelle.
Mais surtout, de toutes les idéologies importées en terre d’Islam par les colonisateurs occidentaux, aucune n’eut plus de succès que la nation-État, parce que (à la différence du laïcisme) l’éthique musulmane pouvait parfaitement l’intégrer. L’Islam est par lui-même un merveilleux ciment de cohésion, d’identification morale, d’unité nationale. On le vit durant les années 1950 et 1960 au cours des luttes pour l’indépendance. On le voit en ce moment même en Afghanistan contre la main mise soviétique. On l’a vu hier en Iran avec la « révolution islamique » contre l’emprise américaine à travers le régime du Chah.
De l’Indonésie au Pakistan né de l’Islam, à l’Égypte nassérienne, à l’Irak et la Syrie où le parti de la « renaissance arabe » — le Baas — arrive au pouvoir dans les années 60, à la Tunisie de Bourguiba, à l’Algérie de Ben Bella et de Boumediene, à la Libye de Kadhafi, dans tout l’Islam, le nationalisme sera l’idéologie dominante, singulièrement au Moyen-Orient et au Maghreb où l’on privilégie la « nation arabe » (7). En 1980, l’Islam décolonisé, ce sont quarante et une nations aux régimes politiques variés, toutes jalouses de leur souveraineté (8). 700 millions d’hommes environ, le tiers de la population des cent quatorze pays en développement, 17 % de l’humanité (300 autres millions de musulmans vivent dans des États pluriethniques, où ils forment des minorités : U.R.S.S., Chine, Inde, Nigeria, Philippines, Birmanie, Thaïlande, Tanzanie, Yougoslavie, etc.).
Ces États se sont opposés et s’opposent pour satisfaire des intérêts purement nationaux. Un bon exemple actuel est le conflit entre Irak et Iran et celui du Sahara occidental où s’affrontent le Maroc, la Mauritanie, les « Sahraouis », soutenus par l’Algérie, ou des rêves hégémoniques comme la tentative de Kadhafi de grouper Tchad, Niger, Mali et Sénégal dans une « république islamique du Sahel » sous contrôle libyen. Il existe aussi des divergences socio-économiques (États « progressistes » et « conservateurs » des années 50 et 60), et celles qui sont nées à propos de l’affaire palestinienne : une facture d’unité (la belle unanimité de Khartoum en 1967 avec les trois non à Israël !) devenue pomme de discorde majeure depuis le traité israélo-égyptien du 26 mars 1979.
Alors pourquoi, après le nationalisme triomphant des années 1950 et 1960, qui n’a pas perdu toute sa force, voit-on resurgir parallèlement, au cours de la décennie 1970, l’ancienne idée du panislamisme ? Pourquoi dans l’Islam d’aujourd’hui existe-t-il un sens plus vif de la solidarité musulmane ?
De la Nation-État à la Nation islamique
La décolonisation, l’indépendance, pensait-on, marquaient la fin de l’impérialisme, de l’exploitation économique ; le développement et le progrès étaient rendus possibles. Si les années 50-60 furent celles de l’euphorie, la décennie 70, selon le mot du journaliste égyptien Mohammed Haikal, fut celle « des rêves nationalistes fracassés ».
À la déception des masses, les modèles de développement adoptés n’ont guère fait évoluer les niveaux de vie : capitalisme sauvage (violemment rejeté en Iran) ou socialisme, ici officiellement abandonné (Tunisie), là devenu assez formel (Égypte de Sadate, Syrie du Général Hafez El Assad), enlisé ailleurs dans la bureaucratie (Algérie) ou les déficits budgétaires (le gouffre des sociétés d’État au Sénégal). Les troubles socio-politiques n’épargnent même pas les plus favorisés des pétroliers (Arabie Saoudite).
Les problèmes que rencontrent tous les pays en voie de développement assaillent aussi le tiers-monde islamique : démographie, énergie, instabilité du prix des matières premières, termes de l’échange, alimentation, endettement, dépendance croissante vis-à-vis de l’Occident industrialisé, principal exportateur de blé et de riz. Leur acuité semble plus vive en pays d’Islam, c’est un sujet rarement traité qu’on ne peut évoquer ici que brièvement.
L’Islam est un monde d’inégalités où se superposent les différences générales du Sud par rapport au Nord et l’écart formidable entre le standing de certains producteurs pétroliers (ceux du Golfe persique), au revenu annuel par habitant supérieur à 10 000 dollars, et celui d’autres pétroliers accablés de population (Algérie, Iran, au revenu par tête de 1 000 à 1 500 dollars), ou carrément pauvres malgré leurs ressources (Indonésie, au revenu par tête inférieur à 250 dollars). Et puis il y a les autres, les non pétroliers : Égypte (300 $), Soudan (200 $), Bangladesh, Afghanistan (150 à 200 $). Des trente pays les plus pauvres du monde — les « moins avancés » — recensés par l’O.N.U., quinze sont des États musulmans (dont onze africains) (9). Les inégalités sont également prononcées entre classes sociales, au Maroc (de l’aveu même de son souverain), en Égypte (entre les fellahs et la nouvelle bourgeoisie d’affaires), en Arabie Saoudite (émirs et riches commerçants d’un côté — fonctionnaires militaires, petits artisans de l’autre), en Iran (est-ce besoin d’en parler ?), en Malaisie, où les sociétés étrangères possèdent 60 % de la richesse nationale, la minorité chinoise 22,5 % et les Malais musulmans — la majorité de la population — 1,9 % seulement.
L’Islam ressent fortement l’inégalité des termes de l’échange, car il n’a pas que du pétrole à vendre. Beaucoup de pays musulmans sont grands producteurs de matières premières aux cours en dents de scie : coton (Égypte, Soudan, Pakistan), jute (Bangladesh), phosphates (Maroc, Tunisie, Jordanie), minerai de fer et de cuivre (Mauritanie, Algérie), arachides (Sénégal), bois tropicaux (Malaisie, Indonésie). Seuls l’étain et le caoutchouc malais et indonésien sont protégés par des accords internationaux de stabilisation des prix (10).
La pression de la population en pays islamiques est l’une des plus fortes du monde, avec les taux les plus élevés de croissance démographique (de 2,7 % à 3,2 % par an). L’Islam répugne aux pratiques anticonceptionnelles. Les tentatives faites ont été des échecs (en Égypte du temps du président Nasser, maintenant malgré la campagne de Mme Sadate en faveur de la contraception). En outre les populations musulmanes sont jeunes (en Algérie les moins de 18 ans sont 54 %) (11).
La démographie galopante, l’inadaptation des modèles de développement importés d’Occident (centrés sur la notion assez utopique de « rattrapage » par l’industrialisation et les exportations), ont réduit l’agriculture à la stagnation, d’où une incroyable dépendance alimentaire envers les grands fournisseurs de blé et de riz qui se trouvent être occidentaux. Par exemple, un pays que les Français connaissent bien, l’Algérie, a couvert à peine 30 % de ses besoins alimentaires en 1979 contre 70 % au lendemain de l’indépendance. De 40 à 50 % des recettes pétrolières servent à payer les importations de nourriture, alors que 40 % des terres cultivables sont en jachère, mais 900 000 emplois ont été créés dans l’industrie et le secteur social de 1968 à 1978. L’Égypte et le Bangladesh se ruinent à payer en dollars des achats de blé américain. L’Iran, auto-suffisante en 1950, était entièrement tributaire de l’extérieur lors de la chute de l’ancien régime en 1979 (12). En Extrême-Orient, région traditionnelle de culture du riz, l’Indonésie en importe maintenant. Les États-Unis sont devenus le premier exportateur mondial de cette céréale.
À ces considérations économiques ajoutons que la puissance politique qu’aurait pu procurer à l’Islam la possession de l’arme du pétrole n’a pas, en fait, servi à alléger le boulet palestinien qui pèse lourd sur l’opinion publique au Moyen-Orient et, peu à peu, sur tout l’Islam.
Le tour passionnel pris ces dernières années par la réaction islamique paraît cependant dû dans une large mesure à un sentiment qui gagne en profondeur : l’identité musulmane elle-même est menacée par les progrès de la civilisation euro-américaine dans le tiers-monde. « L’Islam, écrit J. Berque, est en pleine révolution culturelle. Partout il semble se tourner vers lui-même, vers ce qu’il a de plus intérieur à lui-même. Et cela déclenche une force irrésistible qui surprend les augures » (13).
Dans l’Islam, comme dans la Chrétienté d’ailleurs, les jeunes ressentent un vide spirituel. Les idéologies de l’Occident paraissent à beaucoup peu crédibles. Dans le climat actuel de morosité, de désillusions, alors que se manifestent les aspects les plus négatifs de la culture occidentale, l’Islam est là : un recours exaltant, une manière d’être, de vivre dans ce monde, en préparant l’au-delà de surcroît. De plus en plus de musulmans recherchent refuge, espoir et force de vivre dans la foi que d’aucuns veulent purifier, finalité première des mouvements « intégristes » dont les motivations politiques ne sont pas absentes.
Des hommes politiques, des économistes, voient ainsi dans l’union et la solidarité des croyants une voie vers la solution, au moins partielle, des problèmes matériels du tiers-monde islamique, et aussi le moyen d’offrir une résistance plus efficace au danger d’une lente dissolution des valeurs spirituelles de l’Islam dans la civilisation laïque et matérialiste de l’Occident. Il faut mettre en même temps à profit l’occasion unique qu’offre, pour quelques décades encore, la puissance politico-financière de certains frères arabes.
C’est, en effet, du Moyen-Orient, de la « patrie des musulmans », l’Arabie Saoudite, que viendra le premier appel à l’unité et à la solidarité islamiques, un appel qui ne doit absolument rien à la révolution iranienne et au messianisme khomeyniste. C’était il y a onze ans, en 1969, une initiative du roi Fayçal au Sommet de Rabat, qui eut tout de suite un écho favorable dans deux pays au régime opposé : la Malaisie monarchique et la Somalie socialiste, puis progressivement dans tous les États musulmans, y compris la République démocratique populaire du Sud-Yemen, le seul pays islamique dont la doctrine officielle soit le socialisme scientifique (14).
À l’union de la Communauté, le nationalisme musulman — quoique réel, on l’a vu — ne constituait pas un obstacle. Récent, il n’est en rien assimilable à celui de l’Europe des patries où de vieilles nations chargées d’histoire et de culture entendent encore vivre et exister en tant que telles. Le sentiment communautaire européen est encore faible. Dans l’Islam, nationalisme et conscience supranationale se concilient plus aisément. Le sentiment d’appartenance à une vaste communauté socio-culturelle — l’Islam — n’a jamais disparu de l’âme musulmane, quelles qu’aient pu être, par-ci par-là, les greffes d’anciens substrats sur le message coranique et les antagonismes nationaux
De l’initiative saoudienne sortit en 1972 la charte de l’« Organisation de la Conférence islamique ». Cette institution rassemble plusieurs fois par an dans différentes capitales de l’Islam les Chefs d’État ou de gouvernement ou bien les ministres des Affaires étrangères des pays musulmans. La « nation islamique » — « El umma el islamya », comme l’écrit la presse saoudienne — en voie de renaissance, n’englobe pas, cependant, toute la communauté musulmane. C’est une entité politique en gestation à l’intérieur de l’Islam indépendant, mais des observateurs de certains pays à minorités musulmanes sont associés à la Conférence.
L’entreprise a donné des preuves de vitalité en élaborant, depuis sa création il y a huit ans, des structures panislamiques, un phénomène nouveau dans l’histoire de l’Islam, sans aucune référence à l’institution traditionnelle du califat, qui serait tout à fait irréaliste aujourd’hui. ♦
(1) Le Monde, 19 juin 1980.
(2) Les « kharejites » ou « ibadites » dominent dans le Sultanat d’Oman, le gardien des détroits d’Ormuz, en Tunisie dans l’île de Djerba et en Algérie au Mzab.
(3) Pour les kharejites, un souci extrême de la pureté rituelle. Chez les chiites, la croyance au sens caché, ésotérique du Coran, révélé par les descendants d’Ali, les 7 (ou 12) Imams dont le dernier s’est occulté au IXe siècle.
(4) Ainsi en Algérie dans les années 30, le « mouvement des oulamas » associait à un réformisme religieux une protestation politique contre la colonisation française accusée de s’appuyer sur les confréries.
(5) Assez représentatifs de cette catégorie de « musulmans laïques » sont le président tunisien Bourguiba, l’ex-Chah d’Iran, et son Premier ministre Chapour Bakhtiar, (très sceptique au point de vue religieux) ainsi que l’ancien président du Pakistan Ali Butho.
(6) Sayyed Ahmed Khan (mort en 1898), Ameer Ali, Mohammed Iqbal (mort en 1938).
(7) Un mythe qui se veut laïque, mais reconnaît l’Islam comme « valeur culturelle nationale des peuples arabes ».
(8) En voici la liste officielle, le critère étant l’appartenance à la « Conférence islamique » dont il sera question plus loin : Afghanistan, Algérie, Bangladesh, Émirats Arabes Unis, Comores, Djibouti, Bahreïn, Cameroun, Égypte, Gabon, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Indonésie, Iran, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Malaisie, Mali, Mauritanie, Maroc, Maldives, Niger, Oman, Pakistan, Qatar, Arabie Saoudite, Sénégal, Somalie, Soudan, Syrie, Tunisie, Turquie, Tchad, Ouganda, Haute-Volta, Yémen du Nord et du Sud, Irak (plus 1’O.L.P.).
(9) Afghanistan, Bangladesh, Comores, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Haute-Volta, Mali, Niger, Ouganda, Somalie, Soudan, Tchad, Yémen du Nord, Yémen du Sud.
(10) L’accord sur le caoutchouc est entré en vigueur le 1er octobre 1980.
(11) De 1955 à 1980 le Maroc est passé de 10 à 20 millions d’habitants, l’Algérie de 9 à 19. L’Égypte passera de 45 à 60 millions d’ici 20 ans. Les musulmans de l’Asie du Sud et du Sud-Est seront 478 millions en l’an 2000 contre 295 en 1979.
(12) À la suite du recentrage de l’économie iranienne sur l’agriculture, l’Iran, selon M. Béni Sadr, n’aurait plus besoin d’importer de blé en 1980. Il y aurait assez de sucre, de riz et de viande dans 5 ans. (Le Monde du 2 juillet 1980.) La guerre avec l’Irak modifiera ces prévisions.
(13) Nouvel Observateur du 1er juin 1980, p. 51.
(14) En juillet 1980, son président, M. Ali Nasser Mohammed, a rendu visite à Ryadh au roi Khaled et effectué un pèlerinage à La Mecque.