Article sous pseudo écrit par le gouverneur général Paul Chauvet.
Étape décisive dans le Sud-Est asiatique
À la fin de 1961, revenant d’un voyage en Extrême-Orient, nous avions essayé de faire le point de la situation dans le Sud-Est asiatique (1), où la tension recommençait à monter, projetant, en traits durs, l’ombre des ambitions chinoises. Ho Chi Minh, qui avait espéré un moment, après les accords de Genève, pouvoir réunifier le Vietnam sans emploi de la violence, par le seul jeu des élections prévues à ces accords et le seul moyen de ses réseaux et de ses hommes laissés soigneusement derrière lui après le retrait de ses forces militaires vers le Nord, avait compris, dès 1958, que cet espoir serait vain tant que le Président Diem conserverait le pouvoir et que les Américains lui apporteraient leur soutien.
Il changea donc de tactique vers la fin de 1959, en intensifiant la subversion et le noyautage au Laos, où passait la route la plus directe et la plus commode vers le Sud-Vietnam, et en reprenant la guérilla sur une grande échelle dans ce dernier pays. Nous avions écrit alors, après avoir analysé les données politiques et économiques des différentes nations de cette région, que le Laos n’était à l’évidence, pour les communistes, qu’une marche, une étape, vers le Sud-Vietnam, point faible de l’ensemble, dont la chute entraînerait inévitablement celle du Cambodge, puis de la Thaïlande, pour finir plus ou moins rapidement par celle de la Malaisie. Et nous avions conclu que si la neutralisation projetée du Laos aboutissait en fait à une simple façade, derrière laquelle la Chine et le Nord-Vietnam pourraient continuer leur travail de pourrissement et consolider tranquillement leurs liaisons avec le Sud-Vietnam sans risquer de complications politiques graves avec l’Occident, une telle neutralisation rendrait plus difficile encore un assainissement au Sud du 17e parallèle (2).
En ce qui concerne le Sud-Vietnam, nous avions estimé que s’il fallait se battre en vue d’une négociation (3), il était vain d’espérer obtenir un résultat en se bornant à subir le combat dans le Sud, dans des conditions et sur le terrain choisis par l’adversaire. Un tel combat ne pourrait conduire qu’à l’aggravation progressive de la situation, tout renforcement du potentiel de combat du « Sud » amenant un renforcement parallèle de celui du « Nord » ; la vie économique du pays étant de plus en plus paralysée et l’autorité du gouvernement Diem s’affaiblissant de plus en plus. Et nous avions conclu que seule une action dans le Nord pouvait permettre un redressement dans le Sud ; redonner confiance à la bourgeoisie et à la masse ; et permettre ainsi, non seulement de reprendre le dessus au point de vue militaire, mais d’imposer dans les faits, au régime Diem, des réformes politiques consolidant ses assises. Comme première étape dans cette voie, nous avions suggéré de couper par un barrage de type algérien, tant à la « barrière de Thakek » que le long du 17e parallèle, les communications terrestres entre le Nord et le Sud ; les liaisons maritimes, peu importantes, pouvant être rendues pratiquement négligeables par le renforcement en plusieurs échelons de la flottille des jonques et des vedettes et l’organisation de réseaux radar. Action qui présentait alors un minimum de risques en raison d’une part de la brouille croissante entre l’U.R.S.S. et la Chine, doublée d’une mésentente personnelle entre Khrouchtchev et Mao-tsé-Toung, et d’autre part de la situation alimentaire catastrophique de la Chine populaire résultant des imprudences et des erreurs du « bond en avant ».
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