Institutions internationales - La « relance » de l'Europe - Le succès de la Conférence de La Haye
Fin novembre [1969] *, le secret le plus absolu continuait à être gardé de part et d’autre, à Helsinki, autour des conversations préliminaires américano-soviétiques sur la limitation des armements stratégiques. Le gouvernement américain souhaitait aller « le plus loin possible », tellement lui paraît sérieux le risque d’une relance de la course aux armements, à partir de la « percée » technologique concrétisée par les missiles antimissiles et les fusées à têtes multiples. Moscou semble avoir jusqu’à maintenant partagé ce point de vue. Le Kremlin ne pouvait mieux témoigner de l’intérêt qu’il porte à ces discussions qu’en plaçant M. Vassili Kouznetzov à la tête de sa délégation, à la place de M. Vladimir Semenov. Cette nomination pourrait annoncer que, début 1970, les « conversations préliminaires » deviendront une vraie conférence. M. Kouznetzov est, derrière M. Andreev Gromyko, le « n° 2 » de la diplomatie soviétique, M. Semenov en étant le « n° 3 ». Mais M. Semenov n’a pas été l’objet d’une disgrâce. M. Kouznetzov avait été désigné pour représenter l’Union soviétique dans les négociations avec la Chine. La tactique chinoise de « gagner du temps » a incité Moscou à donner la priorité aux négociations d’Helsinki.
Ces lignes ne sont pas sans rapport avec l’objet de cette chronique. Que l’on partage ou non les points de vue des gouvernements américain et soviétique, que l’on émette, comme le gouvernement français, des réserves sur cette conception du processus pouvant peut-être permettre de reprendre les discussions sur le désarmement, que l’on craigne ou que l’on approuve la perspective de ce que certains ont défini comme un « Yalta nucléaire », on doit reconnaître que ces conversations d’Helsinki sont extrêmement importantes. Or, elles se déroulent sur un plan bilatéral, et les institutions internationales, notamment les Nations unies, ne peuvent qu’en attendre les développements.
Il en va de même des relations américano-japonaises qui, après l’accord Nixon-Sato [en novembre 1969] sur la restitution au Japon de l’île d’Okinawa avant la fin de 1972, introduisent un facteur nouveau dans le problème du Pacifique après la guerre du Vietnam. Il y a encore peu de temps, on pouvait penser que cet « après Vietnam » en Asie et dans le Pacifique se réduirait, pour l’essentiel, à une confrontation sino-américaine. Il n’en sera rien : l’Union soviétique ne restera pas silencieuse, et le Japon ne se contentera pas de sa puissance économique, son réarmement ayant été l’objet de conversations avec les États-Unis. Ce sera l’ouverture d’une nouvelle phase de l’histoire du monde issu de la Seconde Guerre mondiale. Cette guerre s’était terminée dans l’espoir que la paix par le droit allait régner, grâce aux Nations unies. Le droit reste l’un des principes fondamentaux des relations internationales, mais la paix, si elle n’est pas toujours imposée par la peur d’un cataclysme nucléaire, ne l’est pas toujours non plus par le Droit. Et, qui plus est, elle est liée aux décisions des États, non à celles des Nations unies. Que, pour des raisons d’efficacité ou de principe, l’on souhaite la concrétisation de l’idée de supranationalité, ou que l’on affirme qu’elle ne possède aucun réalisme, n’affecte pas cette constatation : les États restent les seules unités politiques du monde.
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