Institutions internationales - La Chine et l'ONU - Un an après la Conférence de La Haye - Relance de la coopération politique des « Six » - Coopération ou union monétaire ? - Quels élargissements de la Communauté ?
La mort du général de Gaulle, le voyage de Paul VI en Asie, les élections à la Diète de Munich, le recours à la procédure pour éviter l’admission de la Chine populaire à l’ONU, les premières discussions entre les « Six » sur les deux rapports établis dans le cadre des décisions de la conférence de La Haye des 1-2 décembre 1969 (le rapport Davignon sur la coopération politique, le rapport Werner sur l’union économique et monétaire), la situation en Guinée, etc. l’observateur serait tenté de fixer son attention sur ces événements, qui, à des titres divers, ont dominé les préoccupations des milieux diplomatiques au cours des dernières semaines. Sans doute cette attention serait-elle justifiée. Mais elle ne saurait reléguer dans l’ombre l’activité de certaines institutions internationales. L’irréalisme dont ont, une nouvelle fois, témoigné les Nations unies à propos de l’admission de la Chine, et leur silence devant le drame du Pakistan oriental ont remis en mémoire les critiques adressées par le général de Gaulle à cette organisation qu’il avait jugée avec une ironie mordante non dépourvue de lucidité. Le voyage de Paul VI jusqu’aux frontières de la Chine communiste a rappelé les grands rêves universalistes. L’activité du gouvernement allemand ne peut rester sans répercussions sur la vie des Communautés européennes, etc.
La Chine et l’ONU
Avant d’analyser comment l’admission de la Chine populaire a été une nouvelle fois repoussée par l’ONU, il n’est pas sans intérêt d’évoquer le regain d’activité de la diplomatie chinoise qui, en sommeil durant la Révolution culturelle, semble vouloir montrer sa vitalité. Pour la première fois depuis 1966, l’Union soviétique et la Chine ont, le 20 novembre 1970 à Pékin, signé un accord commercial, au terme de négociations qui n’ont duré qu’une semaine. C’est seulement le 12 novembre qu’était arrivée à Pékin la délégation soviétique conduite par M. Grichine (le négociateur des accords de 1966). Cette rapidité a une signification politique, et ce n’est point par le jeu d’une coïncidence que, le 18 novembre, M. Chou En Laï a pour la première fois reçu le nouvel ambassadeur soviétique, M. Tolstikov (qui était à Pékin depuis la mi-septembre), et que, le 20, le nouvel ambassadeur chinois, M. Liu Hsin-Chuan, rejoignait son poste à Moscou. Le rétablissement de relations diplomatiques normales entre les deux pays, et la conclusion de cet accord commercial, illustrent la normalisation, au moins temporaire, des rapports entre Moscou et Pékin. Sans doute cet accord commercial reste-t-il très limité, mais sa signification politique importe plus que sa valeur économique. Et, immédiatement, cette normalisation s’est répercutée aux Nations unies, où très discrète depuis trois ans à propos de l’admission de la Chine, l’Union soviétique a, cette année, pris la tête de ses partisans.
L’année dernière, les partisans du statu quo, c’est-à-dire du maintien des représentants de la Chine nationaliste, avaient obtenu 56 voix contre 48 à leurs adversaires et 21 abstentions. Les trois reconnaissances diplomatiques de 1970 (Canada, Italie, Guinée équatoriale) devaient rapprocher l’écart entre les deux blocs, qui en principe ne devait plus être que de 3 voix (54 contre 51). Or, approuvée par 51 voix contre 49, l’admission de Pékin a été rejetée, parce qu’elle n’a pas obtenu la majorité des deux tiers. À la majorité simple, l’Assemblée générale a recommandé l’entrée de la Chine populaire et l’expulsion des représentants du régime de Formose. Mais elle avait décidé qu’une majorité des deux tiers était nécessaire, estimant qu’il s’agissait d’une question « importante » aux termes de la Charte. Pourquoi ? Plusieurs pays acceptent ou souhaitent l’entrée de Pékin, mais se refusent à expulser la délégation nationaliste. Celle-ci n’a cessé de siéger dans l’Organisation depuis que, il y a vingt et un ans, le Kuomintang a dû quitter le territoire chinois. Par une politique d’assistance technique, Taipeh est parvenu à s’assurer le soutien d’un certain nombre de pays d’Afrique et d’Amérique latine. Les États-Unis, dont les relations avec Taipeh constituent un maillon important de la politique asiatique, ont donc invité leurs alliés à bloquer la décision sur le fond par une décision de procédure. Pourtant, pour la première fois, l’Assemblée générale a demandé l’admission de la Chine populaire, qu’elle reconnaît, pour ainsi dire, diplomatiquement. Ce vote constitue un précédent sur lequel il ne sera pas facile de revenir. Au surplus, les États-Unis se sont trouvés dans le camp de la minorité, et ont été contraints d’adopter une position de compromis : ils ne refusent plus formellement l’entrée de la Chine populaire, mais s’opposent à ce qu’elle s’accompagne du départ des délégués de Formose. Dans quelle mesure la thèse des « deux Chine » a-t-elle des chances d’être acceptée ? Les pays communistes et Formose la rejettent. Si les États-Unis la présentent, c’est, implicitement, parce qu’ils reconnaissent l’existence de Pékin. Jusqu’ici, la règle a été de refuser la participation des pays divisés – c’est le cas de la Corée, du Vietnam, de l’Allemagne. La République fédérale (RFA), première puissance économique d’Europe, n’appartient pas à l’ONU. La Chine populaire reste à la porte… Il s’agit en fait de savoir si, l’année prochaine, l’Assemblée générale maintiendra l’exigence de la majorité des deux tiers. Sans doute l’admission de la Chine populaire est-elle une « question importante », mais le fond importe plus que la procédure. Les discussions vont donc s’engager : peut-on considérer Formose comme un État indépendant distinct de la Chine ? Et si l’on admet Pékin, pourrait-on éviter d’aborder le problème de Bonn ?
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