Institutions internationales - Les grandes confrontations de l'ONU - Nouveaux espoirs européens - Vers une réforme monétaire internationale
Au-delà des controverses qu’elle a suscitées, l’intervention de l’armée dans la vie politique chilienne a pris une signification particulière au lendemain de la conférence des pays « non-alignés », qui s’était tenue quelques jours plus tôt à Alger. Cette conférence s’est surtout attachée à la place que les ressources énergétiques, notamment le pétrole, peuvent occuper dans les relations entre pays en voie de développement et pays industrialisés, c’est-à-dire entre pays pauvres et pays riches. Mais elle a négligé les problèmes spécifiquement politiques des premiers, ceux des structures et de l’instabilité. Pour des raisons diverses (tenant les unes au sous-développement lui-même, les autres aux ébranlements causés par la fin de la sujétion coloniale) ces pays vivent tous, ou à peu près tous, dans un état d’instabilité politique chronique : c’est un facteur de la situation que l’on a tendance à omettre, alors qu’il est générateur de difficultés, pour ces pays eux-mêmes et pour les rapports entre ceux-ci et les pays industrialisés. Ces difficultés ne peuvent pas ne pas peser sur les relations internationales, en un temps où, par ailleurs, certaines tensions paraissent s’atténuer.
Les grandes confrontations de l’ONU
La 28e Assemblée générale de l’ONU s’est préoccupée de ces déséquilibres. Ils n’étaient pas inscrits à son ordre du jour. Mais elle ne pouvait pas ne pas rendre hommage à la mémoire de Josué de Castro, dont le nom restera lié à la lutte contre la faim. Au moment même où celui-ci disparaissait, M. McNamara, président de la Banque mondiale (qui s’occupe essentiellement des pays du Tiers-Monde) rappelait à Nairobi que, si les prêts de celle-ci avaient augmenté de 100 % en 5 ans, ils restent dérisoires par rapport aux besoins. Dans ces pays, « un tiers sinon la moitié des êtres humains souffrent de faim et de malnutrition, 20 à 25 % des enfants meurent avant 5 ans : parmi les survivants, des millions mènent une vie diminuée parce que leur cerveau a été endommagé ; l’espérance de vie est inférieure de 20 % par rapport aux habitants des pays riches »… Il faudrait plus de 130 M de dollars pour irriguer 90 M d’hectares : la Banque mondiale prévoit d’accorder 4,4 milliards $ aux prêts pour l’agriculture de 1974 à 1978, contre 3,1 de 1969 à 1973. M. Gromyko, ministre des Affaires étrangères de l’URSS, a proposé que les cinq États-membres permanents du Conseil de sécurité affectent 10 % de leur budget militaire à l’aide aux pays en voie de développement. Cette suggestion se perdra sans doute dans le maquis procédurier de l’ONU comme s’y est perdue celle, analogue, présentée par M. Edgar Faure à Genève en 1955. Au surplus, nul ne sait quel est exactement le budget militaire soviétique : officiellement, il s’élève cette année à 17,9 Md de roubles (24 Md $) contre 83,4 Md $ pour celui des États-Unis. Mais de nombreux crédits, notamment de recherche, sont répartis dans d’autres chapitres budgétaires, tandis que les prix des fournitures militaires ne sont pas exactement connus. L’incertitude est telle que certains économistes pensent que l’effort militaire représente pour l’Union soviétique 40 % de son Produit national brut (PNB).
Quoi qu’il en soit, cette suggestion de M. Gromyko a été considérée comme traduisant le désir de l’Union soviétique de chercher à dissiper la méfiance des Occidentaux, à l’heure où les nouvelles conversations américano-russes sur la limitation des armements stratégiques étaient gravement compliquées par les résultats récemment obtenus par l’URSS dans le domaine des missiles à ogives multiples. Cette opinion se trouvait confirmée par le ton relativement conciliant adopté par M. Brejnev, secrétaire général du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique, à Tachkent (Ouzbékistan) à l’égard de la Chine. Aussi bien la première phase de cette session de l’Assemblée générale de l’ONU n’a-t-elle pas vu les affrontements auxquels certains s’attendaient. M. Henry Kissinger y a fait ses débuts de secrétaire d’État, le Chancelier allemand Willy Brandt y a prononcé un grand discours pro-européen, etc. Mais il n’en demeure pas moins qu’en dépit de l’apaisement que l’on enregistre dans les rapports Est-Ouest, qu’en dépit de l’ambiance de coexistence pacifique dans laquelle s’est placée cette session, « le » grand problème n’a pas été vraiment abordé, celui des rapports entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement. C’est pourtant ce problème qui paraît devoir dominer maintenant les relations internationales, de même que, pendant un siècle, les rapports sociaux ont été dominés par les luttes entre « capitalisme » et « prolétariat ». À cet égard, on peut se demander si la Conférence de Bandoeng d’avril 1955 ne sera pas un jour comparée à celle au terme de laquelle, à Londres en septembre 1864, fut créée la Ire Internationale : dans l’un et dans l’autre cas, la conscience d’un « moi » collectif s’est donné une coloration politique. Sans doute la biologie sociale ne se réduit-elle pas à des antagonismes schématisés à l’extrême, mais la vie politique n’est pas toujours fondée sur une analyse complète et objective des réalités. Le pétrole est devenu un moyen de la politique internationale – comme la grève.
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