Aéronautique - Le budget Air 1975 - Le programme Corvette - Le projet Symphonie
Le budget Air 1975
Le budget des Armées pour l’année 1975 traduit pour l’Armée de l’air comme pour l’Armée de terre et la Marine nationale la volonté du gouvernement de faire participer les Armées à sa politique de déflation mais sans en faire peser le poids sur les personnels. C’est donc un budget d’austérité mais aussi de changement parce que les dépenses en personnel et de fonctionnement (titre III) y sont bien plus importantes que les années précédentes par rapport aux dépenses d’investissement.
La part de la section Air s’élève globalement en chiffres arrondis à 8 892 millions de francs de Crédits de paiement (CP) assortis de 5 927 MF d’Autorisations de programme (AP) se répartissant comme suit :
– CP du titre III, 4 380 MF, soit 49,2 %.
– CP du titre V, 4 512 MF, soit 50,8 %
Total de la ressource, 8 892 MF.
– AP titre III, 833 MF.
– AP titre V, 5 927 MF.
Le tableau ci-dessous permet de comparer les CP et les AP de la section Air aux CP et AP du budget des Armées.
|
AIR |
ARMÉES |
CP CP Titre III CP Titre V AP Titre V |
8 892 MF 4 380 MF 4 512 MF 5 927 MF |
43 786 MF 24 734 MF 19 052 MF 23 634 MF |
Titre III
L’accroissement des ressources du titre III de la section Air est inférieur à celui de l’ensemble du titre III des Armées. Mais il convient de noter que la section commune comprend une forte provision au titre des mesures catégorielles dont une part est réservée aux personnels de l’Armée de l’air.
Le titre III de la section Air pour 1975 a pour objectifs prioritaires :
– l’amélioration de la situation des personnels.
– le maintien de la capacité opérationnelle des forces.
– l’amélioration des conditions de vie et de travail des unités.
a) Sur le plan des rémunérations, la liste et le montant des mesures catégorielles actuellement envisagées pour le personnel de l’Armée de l’air montrent la poursuite de l’effort entrepris depuis quelques années, et plus particulièrement en 1974, pour améliorer la condition militaire. L’accent pour 1975 est surtout mis sur la revalorisation et la modulation de l’indemnité pour charges militaires.
b) Rapportées à la totalité de l’année 1974, les économies sur les carburants opérationnels prescrites par le ministre de la Défense se sont traduites par un abattement volumétrique total de 5,63 % qui a entraîné une réduction des heures de vol d’entraînement. Ont été épargnées la « production » des écoles de l’Armée de l’air, indispensable pour garantir l’avenir, et l’activité sur avions d’armes des pilotes de combat.
Pour 1975, par suite du plafonnement des dépenses en carburant, les mêmes principes d’économie devront être retenus.
c) L’ensemble des chapitres concernant la vie et le fonctionnement des unités marque une progression par rapport à l’an dernier de 13,1 %.
Titre V
Pour ce qui concerne le titre V, la part Air s’établit à 25,16 % de l’ensemble des autorisations du programme des Armées, soit sensiblement la même proportion que l’an dernier. Les objectifs pour 1975 sont les suivants :
a) La poursuite de l’exécution de la 3e loi de programme sur les matériels majeurs, de façon à amorcer convenablement la loi de programme suivante ;
b) La commande des matériels rendus plus nécessaires par l’évolution de la situation depuis la révision de la 3e loi de programme en 1972 (Mirage F1 supplémentaires destinés à garantir l’équipement de trois escadres et accélération du programme [NDLR 2024 : de défense sol-air] Crotale afin de hâter la mise en place des moyens de défense sur les points sensibles) ;
c) La limitation au minimum indispensable des crédits à inscrire au titre des chapitres de soutien (matériels sol, armements, munitions, rechanges, infrastructure), eu égard à la conjoncture prévisible.
Programmes majeurs
Les possibilités offertes par le projet de budget 1975 sont les suivantes en ce qui concerne les programmes majeurs et certains autres programmes :
Jaguar : L’équipement de la 7e Escadre de Saint-Dizier à trois escadrons sera bientôt terminé ; celui de la 11e Escadre de chasse de Toul, à trois escadrons également, doit commencer l’année prochaine.
Mirage F1-K50 : L’équipement de la 30e Escadre de Reims à deux escadrons est terminé et la transformation du premier escadron de la 5e Escadre d’Orange est commencée.
Des crédits sont prévus pour commander 11 Mirage F1 supplémentaires. Ces avions sont nécessaires pour assurer la continuité et l’homogénéité du rééquipement de la défense aérienne.
Mirage VF : Tous les Mirage V ont été déstockés et mis au standard français. Après l’Escadron 3/13 de Colmar, c’est au tour de l’Escadron 3/3 de Nancy d’être équipé de ce matériel. Le programme pourra être considéré comme terminé au début de l’année prochaine.
Alphajet : Le premier vol du prototype 04 représentatif de la version école vient d’avoir lieu. Le projet de budget 1975 prévoit les autorisations de programme et les crédits de paiement pour la commande de 21 Alphajet.
Réacteur Snecma M53 : Au 1er juillet 1974 les heures de fonctionnement cumulées au banc, tant au sol qu’en vol, s’élevaient à 2 300 heures. La cadence des essais se trouve conforme aux prévisions ainsi que les performances réalisées.
Les 128 MF prévus dans les autorisations de programme de 1975 pour le M53 doivent permettre d’assurer normalement :
– le vol sur banc volant rapide (Mirage F1-M53) ;
– le « bon de vol » sur banc volant Caravelle (vitesse subsonique) ;
– les épreuves d’homologation au banc (endurance 150 heures) ;
Larzac 04 : La cadence des essais se trouve conforme aux prévisions ainsi que les performances réalisées.
Matra 550 Magic : 116 MF d’autorisations de programme ont été retenus pour ce programme au projet de budget 1975. La livraison des missiles de pré-série est en cours, celle des missiles de série doit commencer fin 1975. Le Magic se révèle particulièrement efficace aux essais et fait déjà l’objet de commandes au titre de l’exportation.
Matra 530 et 530F : 39,5 MF d’autorisations de programme ont été inscrits pour 1975 afin de permettre l’équipement des escadres de Mirage F1 dans l’attente du missile Super 530 dont la livraison de série est attendue à compter de 1978-1979.
Martel : Ce programme, développé en coopération franco-britannique, permet d’équiper certains escadrons de la force aérienne tactique et de commencer à en équiper d’autres.
Crotale : 329 MF d’autorisations de programme ont été retenus pour 1975 afin de développer ce programme dont les promesses apparaissent brillantes et qui est destiné à pourvoir en priorité au renforcement de la défense aérienne tout temps des points sensibles de la force nucléaire stratégique.
Avion de combat futur (ACF) : Actuellement le seul marché passé est celui du premier prototype, qui doit, selon le contrat, voler au cours du troisième trimestre 1976.
L’ACF [NDLR 2024 : futur Dassault Rafale], dans sa définition, représentera un progrès très significatif par rapport au matériel actuellement en service dans l’Armée de l’air, tant en ce qui concerne les performances que les capacités opérationnelles grâce à :
– sa motorisation, sa formule aérodynamique et ses capacités intrinsèques d’emport d’équipement et d’armement ;
– ses trois versions (pénétration, défense aérienne et couverture reconnaissance).
Autres programmes
1) Constructions aéronautiques – Études et prototypes
Outre les AP destinées au développement des matériels majeurs évoqués ci-dessus, les AP couvrent :
– des études portant sur des améliorations ponctuelles d’appareils en service (Mirage III – Mirage IV) ;
– des études préparatoires et communes concernant les moteurs, les voilures tournantes, les cellules, les matériaux, les essais en soufflerie, les équipements de tous ordres et l’armement ;
– des équipements nécessaires aux centres d’essais : chantiers sur avions, moyens d’informatique et développement des moyens d’essais.
2) Matériels de série et rechanges
Les AP 1975 s’élèvent à 1 609 MF et les CP à 1 464,4 MF.
Cet article concernant les matériels de série recouvre les montants financiers nécessaires à la réalisation des grands programmes de fabrication.
Pour les rechanges, les AP 1975 se montent à 924 MF et les crédits de paiement 1975 à 720 MF.
Conclusion
Au titre III, la section Air du projet de budget des Armées pour 1975 enregistre les conséquences de l’augmentation générale des rémunérations et le coût d’importantes mesures catégorielles. Les crédits de fonctionnement courant et d’entretien des matériels sont, en revanche, ajustés très strictement et un peu en deçà des coûts liés à la hausse générale des prix.
Quant au titre V, il subit tout le poids des mesures d’austérité en raison des crédits transférés de ce titre sur le titre III pour gager les mesures catégorielles décidées en Conseil de défense le 10 octobre dernier.
Le programme Corvette
La catégorie « avions de liaisons et d’affaires » vient de s’enrichir d’un nouvel appareil, le Corvette, qui a été mis récemment en service par Air Alpes sur la ligne Paris-Chambéry et retour.
On peut se demander les raisons qui ont poussé la Société [nationale industrielle] Aérospatiale (Snias) à construire un appareil de cette nature alors que la Société Dassault a déjà réalisé le Mystère 20 et le Mystère 10, et qu’à l’étranger la concurrence est serrée avec, par exemple, les Lear-Jet et Sabre-Commander aux États-Unis et le HS-125 en Grande-Bretagne. En réalité le programme Corvette a été au départ orienté vers un modèle économique et utilitaire. L’objectif recherché a été :
– une grande capacité pour un poids total et un prix inférieurs à ceux des concurrents directs,
– des performances au décollage et à l’atterrissage permettant d’utiliser des terrains courts,
– un entretien facile et bon marché.
Corvette a un poids total de l’ordre de 6 tonnes. Il peut transporter 12 passagers sur une distance de 1 650 km.
Bien que plus léger que le Mystère 10 (8,5 t), Corvette a pourtant une capacité maximum d’emport égale à celle du Mystère 20 bien plus lourd (13 t). Son rayon d’action, en revanche, est plus réduit que celui des deux appareils de la Société AMD. Ses deux réacteurs, à double flux, sont plus économiques et surtout plus silencieux que les réacteurs de la génération précédente.
Léger, capable de terrains courts, doté d’une cabine spacieuse et d’un rayon d’action raisonnable, économique grâce à ses réacteurs, plus rustique que ses concurrents, l’appareil a un prix de revient au siège-kilomètre très intéressant.
En raison de ses caractéristiques, Corvette suscitera sans doute l’intérêt d’une large clientèle sur le marché américain mais aussi sur le marché européen et dans tous les pays moins développés. La Société Aérospatiale fonde, en tout cas, beaucoup d’espoirs sur l’avenir de cet appareil et le constructeur estime que « 300 à 400 appareils pourraient être vendus au cours de la décennie à venir ».
Le projet Symphonie
Satellite expérimental franco-allemand de télécommunications, Symphonie a commencé à la mi-octobre 1974 sa campagne de préparation au lancement qui est prévu à partir du Cap Kennedy pour le 17 décembre 1974. Il est donc d’actualité de rappeler en quoi consiste ce projet et quelles ont été les principales étapes de son développement.
Symphonie, fruit de la coopération scientifique et industrielle franco-allemande
La France et l’Allemagne ont décidé en 1967 d’entreprendre en commun la conception, la réalisation et le lancement d’un satellite expérimental de télécommunications destiné à diffuser des programmes de radio et de télévision, à assurer des communications téléphoniques et télégraphiques et à transmettre des données. La convention signée à cet effet précise que le projet comprend notamment :
– la mise au point d’un prototype et la construction, ainsi que les lancements de deux modèles de vol ;
– la conception et la réalisation des stations terriennes expérimentales nécessaires à l’utilisation des satellites.
Il était prévu que les lancements se feraient à partir du Centre spatial de Guyane, à l’aide de lanceurs fournis par le Cecles-ELDO. L’interruption du programme de développement du lanceur Europa II en 1973 a rendu cette disposition inapplicable. Des négociations ont été immédiatement conduites avec l’Administration nationale [américaine] de l’aéronautique et de l’Espace (NASA) pour obtenir la disponibilité du lanceur Thor-Delta 2914 dont les caractéristiques permettent d’assurer la mission Symphonie.
Organisation industrielle
La coopération industrielle a été rendue effective et a pris toute son ampleur avec la constitution d’un groupement d’intérêt économique, le Cifas (Consortium industriel franco-allemand pour Symphonie) (1), maître d’œuvre pour les satellites, groupant trois sociétés françaises et trois sociétés allemandes, dont l’administrateur gérant et le chef du projet font partie de l’Aérospatiale.
Caractéristiques des satellites
Premier satellite européen géostationnaire stabilisé sur trois axes, Symphonie a conduit les sociétés membres du Cifas à mettre en œuvre en commun leurs technologies les plus avancées.
La masse du satellite est de 402 kg lors du lancement et d’environ 230 kg en début de mission. La durée de vie prévue est de cinq ans grâce à une alimentation électrique par générateur solaire fixe. Les liaisons de télémesures et télécommandes se font en VHF et SHF.
L’émission est effectuée dans deux zones : une zone eurafricaine allant de Madagascar au Sud des pays Scandinaves et englobant les pays du Proche-Orient et une zone américaine s’étendant du Brésil au Nord-Est du Canada. Le satellite a une capacité de 600 circuits téléphoniques.
Situation des satellites
Le prototype a été déclaré qualifié à la fin du mois de juin 1974. Le modèle de vol n° 1 a été intégré à l’Établissement des Mureaux de la Snias, et a été déclaré apte au vol fin septembre 1974, après avoir subi des essais complets d’ambiance spatiale en juillet et août. Il a été transporté par conteneur début octobre 1974 au Centre spatial de Cap Kennedy. La campagne de préparation au lancement a débuté à la mi-octobre et devrait s’achever en principe le 17 décembre.
Le modèle de vol n° 2, dont l’intégration est réalisée chez MBB, près de Munich, doit être livré en mai 1975.
La réalisation du développement est conforme au calendrier établi en 1973 après que les conséquences du changement de lanceurs eurent été analysées et les négociations nécessaires menées. L’adaptation du satellite au lanceur Thor-Delta a impliqué en effet des modifications sur les trois modèles.
Stations terriennes
Les deux stations terriennes principales prévues par la convention sont terminées. Elles sont installées à Raisting (Bavière) en Allemagne et à Plemeur-Bodou (Bretagne) en France et ont été respectivement réalisées par le consortium AEG-Telefunken et par LCT et le consortium Telspace-Siemens. En outre, des stations adaptées à des missions particulières ont été prévues : stations transportables pour reportages en tout point des zones de couverture au profit de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), station expérimentale émettrice-réceptrice réalisée en commun par le Centre national d’études spatiales (Cnes) et le Centre national d’études des télécommunications (Cnet), programme de stations de réception pour les émissions de télévision éducative.
Opérations
Les opérations mettront principalement en œuvre un réseau de stations VHF françaises et allemandes auxquelles seront associées quelques stations de la NASA, une station de contrôle hyperfréquences (SHF) installée au Centre spatial de Toulouse, un interféromètre installé en Allemagne pour déterminer l’orbite du satellite.
Utilisation
Un programme d’expérimentation technique a été défini au cours duquel la capacité du système Symphonie sera mesurée pour divers procédés de modulation et d’accès multiple.
Les administrations françaises et allemandes examinent actuellement des utilisations qui feront suite aux expérimentations techniques et qui peuvent être classées dans la catégorie des utilisations opérationnelles expérimentales. Parmi celles-ci, on peut citer les expérimentations de distribution semi-directe de télévision éducative et culturelle, des démonstrations de systèmes domestiques de télécommunications pour certains pays (Inde, Brésil, Iran), des démonstrations de liaisons de télésurveillance de plateformes de forage en mer, la diffusion de programmes de télévision, de l’ORTF pour les Dom/Tom ou de la radio allemande, Deutsche Welle, vers Kigali (Ruanda), etc. L’étude de certaines de ces applications fait l’objet d’un deuxième contrat qui a été conclu en 1974 avec la Société Eurosat.
Une organisation pour l’exploitation des satellites en orbite est en cours de mise en place. L’examen et la sélection des différentes missions envisagées sont confiés à un Comité des Programmes composé de représentants des ministères intéressés (PTT, Information, Recherche) des deux pays. Ce comité a tenu sa première réunion le 17 septembre et décidé un certain nombre d’actions concrètes en matière d’utilisation du modèle de vol qui sera lancé en décembre. ♦
(1) Pour la France : Thomson-CSF, Snias, Société anonyme de télécommunications (SAT). Pour l’Allemagne : Messerschmidt-Bolkow-Blohm (MBB), Siemens, AEG-Telefunken.