Institutions internationales - Vers une reprise de la Conférence de Genève - Le 20e anniversaire de l'Union de l'Europe occidentale (UEO) - Les équivoques du « Oui » anglais à l'Europe
Alors que la loi des grands nombres paraît souvent l’emporter sur les autres facteurs de la politique, la mort d’un homme peut modifier profondément celle-ci. C’est ainsi que la disparition du roi Fayçal d’Arabie marque la fin d’une époque. Il était à la fois l’homme fort du monde arabe, un facteur d’équilibre au Proche-Orient et l’un des maîtres du jeu pétrolier international. Sa disparition risque d’avoir de graves conséquences sur ces trois plans.
Depuis la disparition du président Nasser (1970), le souverain saoudien avait remplacé le Rais à la tête du monde arabe. Fort de ses immenses ressources en or noir, il subventionnait très largement les budgets de l’Égypte, de la Syrie et de la Jordanie. Ce puritain de l’Islam, chef de la secte des Wahhabites, éprouvait une véritable répulsion pour Israël, et il s’était juré d’aller prier à Jérusalem avant sa mort. Mais cette haine pour le sionisme et l’État juif s’accompagnait d’un réalisme essentiellement conservateur. Il éprouvait une vive méfiance pour les théories révolutionnaires professées par la plupart des mouvements de la résistance palestinienne, et l’une de ses hantises était la constitution d’une république démocratique et populaire à la frontière nord de son pays. Malgré son aversion pour la dynastie hachémite d’Amman, il encourageait donc le roi Hussein de Jordanie à la plus grande fermeté envers Yasser Arafat. Il était un partenaire de choix pour la diplomatie américaine. Son pays détient environ le cinquième des réserves mondiales prouvées de pétrole, et son ministre de l’Énergie, le cheikh Yamani, est devenu en deux ans l’une des deux plus grandes vedettes des conférences internationales et de la politique.
L’Arabie saoudite venait de s’engager dans la voie de l’industrialisation. Malgré les réticences des « vieux turbans » et en particulier du collège des Ulémas, Fayçal avait décidé d’ouvrir son pays aux influences occidentales et de le doter d’une infrastructure digne de ses ressources. Il tolérait une certaine évolution des mœurs, inévitable corollaire d’une urbanisation galopante, d’une prolétarisation des nomades attirés par les complexes industriels et du développement des transports modernes. L’Arabie saoudite basculait lentement, mais de manière spectaculaire, du monde ancestral des grands nomades vers celui du XXe siècle. C’est pourquoi l’assassinat [NDLR 2025 : tué par son neveu, le prince Fayçal ben Moussaïd] du vieux roi pose tant de problèmes. « Quelque chose » a craqué, et la mort du deuxième fils d’Ibn Saoud marque sans doute, irrémédiablement, la fin d’une époque. Il est difficile de ne pas faire une comparaison avec la situation en Libye au lendemain du départ pour l’exil du roi Idriss et de l’arrivée au pouvoir du colonel Kadhafi. Rien ne permet d’assurer qu’une quelconque junte de jeunes officiers puisse prendre le pouvoir à Ryad. Il risque cependant de se produire une sorte d’explosion intérieure qui pourrait se traduire par une politique extérieure beaucoup plus agressive de l’Arabie saoudite aussi bien dans le Golfe que dans le conflit israélo-arabe. La course au leadership avec l’Iran sur la rive occidentale du Golfe risque en particulier de prendre une nouvelle dimension.
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