Marine - France : la Marine au 31e Salon de l'Aéronautique et de l'Espace - États-Unis : essais du porte-avions USS Nimitz - Pays-Bas : la Marine adopte le Harpon - URSS : l'exercice Okean 1975
France : la Marine au 31e Salon de l’aéronautique et de l’Espace
L’Aéronautique navale est largement représentée au 31e Salon de l’Aéronautique et de l’Espace qui se tient du 31 mai au 9 juin 1975 au Bourget, tout d’abord par des maquettes et des photos dans le stand qui lui est réservé et ensuite, sur le terrain, par quelques-uns de ses appareils en service ou futurs – notamment, pour ces derniers, par le Super-Étendard.
L’Aéronautique navale, qui fait partie intégrante de la Marine, est forte d’environ 450 aéronefs. Elle comprend des formations de combat en flottilles, des formations de soutien et d’entraînement en escadrilles. Elle se compose d’une aviation embarquée basée à terre. L’aviation embarquée opère depuis les porte-avions Clemenceau et Foch, le croiseur porte-hélicoptères Jeanne d’Arc, dans les années à venir le PH75 à propulsion nucléaire [NDLR 2024 : projet abandonné en 1980], ainsi que depuis certains navires spécialisés tels que les frégates, les corvettes et les transports de chalands de débarquement. L’aviation basée à terre est stationnée dans 10 bases permanentes implantées aussi bien en métropole qu’outre-mer.
Chacune de ces bases ayant sa spécificité propre, la Marine nationale possède 2 bases à dominante aviation embarquée : Landivisiau et Hyères ; 2 bases à dominante aviation de patrouille maritime : Lann Bihoué et Nîmes-Garons ; 2 bases d’hélicoptères : Lanveoc Poulmic et Saint-Mandier ; 1 base atelier : Guers ; 1 base école : Ajaccio-Aspretto ; 1 centre d’expériences : Fréjus–Saint-Raphaël : 2 bases outre-mer permanentes : Tontouta et Papeete : 1 base à Dugny : un certain nombre de points de stationnements occasionnels.
À la souplesse de l’implantation que nous venons d’évoquer, il faut ajouter la diversification du matériel déployé.
L’Étendard IVM assure l’attaque d’objectifs marins ou côtiers. L’Étendard IVP réalise la reconnaissance photographique de jour et de nuit. Le Vought F-8 Crusader assure la défense aérienne des forces à la mer. Le Breguet Br.1050 Alizé a pour mission d’éclairer ces derniers, d’attaquer les sous-marins ou les vedettes rapides qui les menacent. Les hélicoptères Sikorsky HSS-1 Seabat et Sud-Aviation SA321 Super-Frelon participent à la lutte Anti-sous-marine (ASM) ou sont engagés comme transports d’assaut. Le Br.1150 Atlantic et le Lockheed P-2 Neptune, de par leur autonomie, sont des avions de patrouille maritime basés à terre. Ils peuvent rechercher, découvrir et attaquer la plupart des bâtiments de surface ou sous-marins.
En plus de ces moyens opérationnels, la Marine dispose d’une aviation de soutien composée par le Nord 262, le Piper Navajo, le Nord 2504, le DC-4, les hélicoptères SNCASE SE.3130 Alouette II et Sud-Aviation SA316 Alouette III.
L’exploitation de cette infrastructure et de ce matériel est assurée par 11 500 personnes dont l’effectif se répartit de la manière suivante : 800 officiers, 4 400 officiers-mariniers, 6 300 quartiers-maîtres et matelots.
Enfin, les missions qui requièrent la participation des moyens aériens sont : la protection des Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et de leurs bases, la surveillance et la défense des approches maritimes du territoire national, l’action en haute mer, la présence et l’action outre-mer, l’alerte SAR (Recherche et sauvetage), l’Évacuation sanitaire (Évasan), le secours maritime.
États-Unis : essais du porte-avions Nimitz
Le second porte-avions nucléaire de l’US Navy, le CVAN68 Nimitz effectue actuellement ses essais avant de rallier, l’été prochain, la Flotte de l’Atlantique où, avec les 2 croiseurs CGN36 California et CGN37 South Carolina, il constituera une task force nucléaire.
Il a été « commissionné » le 3 mai 1975. L’amiral Rickover qui est, comme on sait, appelé « le père de la propulsion atomique », a assisté aux premières sorties à la mer de ce bâtiment et a développé à cette occasion les points suivants au cours d’une conférence de presse :
– « Le coût de la guerre excède de beaucoup le coût de tout matériel qui contribue à la prévenir. Les meilleures unités que nous pouvons construire sont celles que nous n’utiliserons jamais au combat parce qu’elles auront servi à prévenir la guerre.
– Puisque nous n’avons pas choisi de répondre à la puissance soviétique par le nombre, il est essentiel de construire les armes les plus puissantes et les plus efficaces possible.
– Le cœur nucléaire du Nimitz assurera 13 années de propulsion, ce qui demanderait 11 millions de barils de mazout.
– Pour l’avenir prévisible, le porte-avions restera l’arme principale de la Marine ; dans une guerre non nucléaire, rien ne peut le remplacer.
– Les études ont montré que tout compris, un porte-avions nucléaire coûte seulement un peu plus cher qu’un porte-avions classique disposant des mêmes armes ».
Le Nimitz présente les caractéristiques suivantes :
– déplacement : 91 000 tonnes pleine charge (tpc).
– vitesse supérieure à : 30 nœuds.
– propulsion : 2 réacteurs, 4 groupes turbo-réducteurs, 4 hélices, 260 000 CV.
– armement :
a) aéronefs : 100 environ répartis en 2 flottilles d’interception tout temps, 5 flottilles d’assaut et 1 détachement composite.
b) DCA : 3 systèmes de missiles Surface-air à courte portée (SACP) Sea Sparrow.
– équipage : 5 193 hommes dont 2 364 pour l’aviation.
Au cours de l’année fiscale 1976-1977, le Nimitz subira une petite refonte afin qu’il puisse mettre en œuvre une flottille d’aéronefs ASM à la place d’une de ses flottilles d’assaut ; il perdra alors son sigle CVAN pour adopter celui de CVN.
Pays-Bas : la marine adopte le Harpon
Se distinguant des marines allemande, belge, britannique et française qui ont adopté comme on sait le missile surface-surface MM38 Exocet, la marine royale néerlandaise a choisi, pour doter ses bâtiments d’une capacité antisurface, le missile américain Harpon.
Ce choix peut surprendre car il semble que, pour des questions de logistique et de maintenance, il aurait été préférable de prendre le même système que les marines voisines. Quoi qu’il en soit, le Harpon sera installé sur les 2 frégates Tromp de 4 300 t (en essais) et De Ruyter, 12 escorteurs de 3 600 t de la classe Banckert du programme naval, 6 escorteurs de 2 700 t de la classe Van Speijk, à l’occasion de leur modernisation qui interviendra de 1977 à 1982.
Le Harpon qui entre maintenant dans sa phase d’évaluation avant les essais opérationnels prévus pour la fin de 1975, est un système d’armes tout temps antisurface pouvant être lancé à partir d’un navire de surface, d’un sous-marin ou d’un aéronef. La version air-mer a une longueur de 3,80 m, un diamètre de 0,35 m et pèse 525 kg. La version mer-mer est dotée d’un accélérateur à poudre. La propulsion principale est assurée par turboréacteur. La portée du Harpon est de 70 nautiques (130 km) ; il vole entre 15 et 60 m jusqu’à mi-parcours puis à très basse altitude en finale. Sa charge militaire est d’environ 200 kg.
Le Harpon destiné aux sous-marins est installé dans un conteneur qui est lancé par les tubes lance-torpilles. Ce conteneur effectue une trajectoire sous-marine ; arrivé à la surface, le Harpon se libère automatiquement et se comporte comme dans sa version surface-surface.
URSS : l’exercice Okean 75
Annoncé le 10 avril 1975 par l’agence TASS, un très important exercice aéronaval s’est déroulé du 14 au 24 avril simultanément en Atlantique et mer de Norvège, Méditerranée, océan Indien et océan Pacifique. Plus de 150 navires de combat ou auxiliaires ainsi que des bâtiments marchands et des navires scientifiques y ont participé.
Les opérations aériennes ont été très nombreuses et pour la première fois la présence du nouveau bombardier à géométrie variable Tu-22M Backfire a été signalée.
Par leur importance, ces manœuvres rappellent l’exercice Okean d’il y a 5 ans auquel 200 navires avaient participé mais qui s’était déroulé presque exclusivement en Atlantique Nord et mer de Norvège ; il avait par contre duré 23 jours contre 10 pour Okean 1975.
Ce dernier a été, bien entendu, suivi de près par les marines de l’Otan, ainsi que par celles des pays voisins des zones d’opérations. Autant qu’on puisse le savoir par la lecture des articles parus dans la grande presse anglo-saxonne, l’exercice a comporté plusieurs phases à partir d’un déploiement initial qui paraît avoir été le suivant :
Atlantique et mer de Norvège
– au Nord des Açores, un groupe fort du croiseur lance-missiles Ochakov, classe Kara et de destroyers venant soit de Méditerranée, soit de l’Arctique ;
– en mer de Norvège, deux groupes venant de la zone de Mourmansk et comprenant chacun un croiseur lance-missiles surface-surface, classe Kresta II, et deux grands destroyers ;
– dans les parages de Cuba, deux destroyers lance-missiles surface-surface classe Krivak.
Le groupe des Açores s’est dirigé vers l’ouvert de la Manche en se livrant vraisemblablement à des exercices de protection d’un convoi, celui-ci étant simulé par des navires hydrographes qui avaient rallié le groupe : il s’est dispersé par la suite et l’Ochakov est retourné en Méditerranée.
Les destroyers de Cuba, renforcés par un croiseur type Svefdlov venu de Baltique, ont fait route vers le Nord avec, semble-t-il, l’intention de forcer le passage Islande-Feroë face à l’opposition des croiseurs et destroyers de Mourmansk appuyés par des sous-marins classiques et nucléaires, et par l’aviation de bombardement à long rayon d’action basée à terre. C’est là l’un des thèmes habituels d’exercice de la flotte soviétique qui consiste à s’opposer à la pénétration en mer de Norvège des grandes Striking Fleets occidentales.
Méditerranée
Une task force comprenant le croiseur de commandement Jdanov, un croiseur lance-missiles surface-surface classe Kynda, 2 destroyers type Kashin dont l’un équipé de missiles surface-surface, se concentre en Méditerranée orientale avant de franchir les détroits de Sicile puis de Sardaigne et de contourner la Corse par le Nord. On peut supposer que ce groupe s’est heurté à des barrages de sous-marins : on sait en effet que la marine soviétique déploie en permanence en Méditerranée une flottille de 12 à 15 sous-marins dont deux au moins à propulsion nucléaire sont parfois équipés de missiles antisurface.
Océan Indien
Une vingtaine de bâtiments dont un croiseur classe Sverdlov, au moins deux sous-marins et des navires scientifiques se concentrent d’abord dans la zone de Socotra puis font route vers la mer d’Arabie en effectuant des exercices. Des vols d’avions de reconnaissance à très grand rayon d’action du type Tu-95RT Bear D provenant d’URSS sont signalés.
Océan Pacifique
Quatre groupes ont opéré simultanément sans que l’on puisse dégager un scénario d’ensemble. L’un, fort d’un croiseur lance-missiles surface-surface type Kresta II et d’au moins un grand destroyer, a été observé effectuant des opérations ASM au Sud-Est de la péninsule du Kamchatka. Un deuxième a opéré à l’Est du Japon, un troisième a été aperçu au Nord-Est des îles Carolines et le quatrième enfin au Sud de la mer du Japon.
Okean 1975 a permis sans aucun doute de vérifier les progrès accomplis depuis le grand exercice de 1970 dans les domaines de la lutte antiaérienne, antisurface et ASM, ainsi que d’évaluer les armes récemment mises en service. Il a permis aussi de tester l’aptitude du commandement à mener à partir de Moscou des opérations aéronavales simultanées à l’échelle mondiale.
Alors que l’exercice de 1970 avait pour objet principal de vérifier la capacité de la flotte à défendre les atterrages de l’URSS, celui de 1975 témoigne du souci d’élargir son rôle à l’ensemble des théâtres maritimes, rappelant ainsi que la marine soviétique a désormais une vocation mondiale et qu’elle est devenue l’un des soutiens les plus actifs de la politique extérieure de l’Union soviétique. ♦