Asie - Philippines : vers une paix ethnique ?
L’accord de paix solennellement signé à Manille le 2 septembre 1996 par Nur Misuari et le secrétaire exécutif Ruben Torres, sous la présidence du président philippin et de représentants de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), va-t-il mettre fin à un conflit qui a fait plus de 120 000 morts en vingt-quatre ans entre chrétiens et musulmans dans les régions méridionales du pays et coûté au moins 3 milliards de dollars au gouvernement ? Cet accord n’a fait l’unanimité ni chez les chrétiens, ni chez les radicaux islamistes qui réclament l’indépendance.
Le Sud des Philippines a été islamisé au XIVe siècle, avant que Magellan ne proclamât l’archipel colonie espagnole en 1521. Quelques décennies plus tard, le conquistador Legazpi s’est emparé de Manille en combattant des chefs musulmans. Aujourd’hui, il y a aux Philippines cinq millions de musulmans, répartis dans quatorze provinces et dix villes situées principalement dans l’île de Mindanao qui compte 15 millions d’habitants. Le Front moro de libération nationale (MNLF), dirigé par Nur Misuari, ancien professeur en sciences politiques, né en 1941, a été le principal mouvement luttant pour 1’autonomie de ces régions en rébellion depuis 1972. En 1968, alors âgé de vingt-sept ans, il avait conduit des manifestations étudiantes qui, pendant neuf jours, devant le palais présidentiel de Malacanang, ont exigé la démission du dictateur Marcos. La même année, il fondait le MNLF. Dans une autre action, il avait obtenu la libération d’un rebelle musulman très malade. Il a rapidement obtenu le soutien de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), dont sont membres, entre autres, l’Indonésie et la Malaysia, qui ont aidé aux dernières négociations avec le gouvernement philippin.
Quatre ans après le début de l’insurrection armée, un premier accord avait été signé à Tripoli, le 23 décembre 1976, entre Kadhafi et Imelda Marcos, agissant comme représentante personnelle du président Ferdinand Marcos. L’accord, qui n’avait jamais été appliqué, prévoyait déjà l’autonomie de quatorze provinces. Sous la présidence de Corazon Aquino, les négociations se poursuivirent. En septembre 1986, un premier accord de cessez-le-feu avait été signé dans l’archipel des Sulu. En 1989, un référendum fut organisé, proposant aux provinces du Sud de se regrouper dans une région autonome. Seules quatre provinces (Lanao del Sur, Maguindanao, Sulu et Tawi-Tawi), les plus pauvres et à majorité musulmanes, acceptèrent de se regrouper dans une région autonome musulmane de Mindanao (ARMM) qui a vu le jour en 1991, mais qui n’a pas satisfait le MNLF malgré un cessez-le-feu signé en décembre 1993, année où les négociations reprirent à Djakarta. Il revenait au général Ramos, longtemps chargé de la lutte contre le séparatisme et le terrorisme, devenu président de la République, d’arriver à un accord. Son bras droit, Ruben Torres a été chargé de négocier avec le Front national démocratique, vitrine légale des communistes et avec le Front moro de libération nationale. En ce qui concerne ce dernier, les contacts ont été facilités par le fait que Torres et Misuari furent condisciples à l’université des Philippines.
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