La littérature consacrée à la crise malienne et à l’opération Serval de 2013 est déjà abondante mais l’ouvrage collectif proposé par le Centre de recherche des Écoles de Coëtquidan sous la direction d’Olivier Hanne se distingue par une approche originale.

Le lecteur, curieux de géopolitique, trouvera dans la première partie une analyse globale de la crise. Les contributeurs explorent les origines historiques de la question touarègue et les causes du développement de l’instabilité et de l’islamisme au Sahel en mettant en évidence, sans timidité, les responsabilités des différents acteurs. Les points de vue respectifs, exposés dans l’ouvrage, de membres de diverses communautés et classes sociales du Mali permettent de prendre la mesure des défis à relever pour ce pays ami et allié de la France. Concernant plus particulièrement l’intervention française, on lira avec intérêt l’analyse des aspects légaux – au sens du droit international – de l’opération Serval mais aussi les enjeux et perspectives énergétiques et géostratégiques qui motivent l’implication française dans la région. La singularité de Serval par rapport aux opérations récentes fait l’objet d’intéressants développements, tant dans ses aspects tactico-opératifs (combat en milieu désertique, immensité de la zone d’action, caractère dissymétrique plutôt qu’asymétrique de l’ennemi…), que sur le plan stratégique. En effet, en agissant quasiment seuls, vite et bien, les Français ont remis en question le paradigme de l’inéluctabilité des opérations en coalition et prouvé au monde entier leur détermination à réagir dans l’urgence pour remédier aux lenteurs de la communauté internationale.

La seconde partie de l’ouvrage propose les témoignages de militaires de toutes armes et grades engagés dans l’opération. Sur un terrain et dans un contexte si différents de l’Afghanistan, et même des autres théâtres africains, ces militaires ont pu confirmer à l’épreuve du feu, la pertinence d’une préparation opérationnelle poussée et variée, l’utilité de certains matériels « échantillonnaires », la nécessité d’une rusticité des combattants et la légendaire « débrouillardise » du soldat français. La contribution de logisticiens, de sapeurs et de transmetteurs apporte une grande richesse à la réflexion en mettant en évidence des aspects peu connus de l’opération, même au sein de la communauté militaire. Fiers de ce qu’ils ont accompli, ces soldats ne se voilent pourtant aucunement la face sur les risques consentis à tous les échelons pour remporter la victoire. Ils ne cachent pas non plus les compromis imposés par des moyens dimensionnés au plus juste.

De lecture aisée, loin de toute érudition, cet ouvrage ne prétend pas faire le tour de la question malienne mais offre de précieuses pistes de réflexion à tous ceux qui souhaitent à la fois comprendre les enjeux de cette crise et en tirer des enseignements concrets pour les engagements opérationnels ou les arbitrages capacitaires à venir. ♦