On se souvient du Pacte de Tripoli conclu en décembre 1969 entre les trois colonels, l'égyptien Nasser, le libyen Kadhafi et le soudanais Nimeïri. Ce pacte, le chef de l'État libyen, animé d'un messianisme unitaire arabe, aurait voulu le transformer en une union étroite de l'Égypte et de la Libye allant jusqu'à l'intégration. Cette union fut bien conclue entre les présidents Sadate et Kadhafi en avril 1971 mais elle resta lettre morte. Pis même, les relations entre les deux États se dégradèrent progressivement jusqu’à se changer en hostilités. L'auteur explique comment et pourquoi on en est arrivé à cet affrontement. Le conflit qui opposa brièvement les forces armées des deux pays en juillet dernier n'est peut-être pas le dernier épisode de la rivalité qui oppose deux hommes d'État inspirés par des conceptions politiques foncièrement différentes.
Genèse et perspectives du conflit égypto-libyen
Parmi les conflits inter-arabes, l’affrontement égypto-libyen a pris, il y a quelques mois, le premier rang. Faut-il, au vu des données géo-politiques des deux pays, s’en étonner ? Mais ne convient-il pas, d’ailleurs, de reconnaître un certain caractère chronique, bien que pour des motifs variables, à la zizanie égypto-libyenne ? En fin de compte, la récente tension ne constituerait-elle pas surtout un épisode de la rivalité de plus en plus aiguë, en Orient, entre camp arabe « conservateur » et camp arabe « progressiste » ? C’est à ces questions qu’une rapide esquisse de l’histoire de la Libye, vue en particulier sous l’angle des relations égypto-libyennes, permettra peut-être de donner quelques éléments de réponse.
Rien, cependant, qui semble rattacher ces terres libyennes (1), au-delà des solitudes du désert occidental d’Égypte, à la lointaine vallée du Nil, ou les incliner vers elle. Tout au plus pourrait-on remarquer que la coupure marine de la Syrte, prolongée aussitôt par le désert, constitue une sorte de césure qui sépare, en Libye, une partie plutôt « maghrébine », la Tripolitaine, d’une partie plutôt « orientale », la Cyrénaïque.
Dans l’antiquité, et même durant le Moyen Âge, sous les Fatimides d’Égypte et sous les Hafsides de Tunisie, le fond du golfe de la Syrte fut en effet, à plusieurs reprises, le lieu d’une frontière. S’il fallait chercher une limite naturelle entre Afrique du Nord et Proche-Orient, c’est là qu’elle se situerait. Mais, à l’encontre de la géographie, l’histoire et la politique modernes ont construit un ensemble libyen, sans l’incliner d’ailleurs de façon décisive vers l’Orient ou vers le Maghreb.
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