Les processus électoraux en Afrique ne signifient pas nécessairement une maturité démocratique. Les élections restent souvent des rituels creux, ne participant pas réellement à établir une relation de confiance entre gouvernés et gouvernants. Il est nécessaire de redonner une vraie légitimité et une crédibilité ou sein des populations.
Transitions démocratiques et stabilité en Afrique : un lien à repenser ?
Democratic Transition and Stability in Africa: Reviewing the Link
Electoral processes in Africa do not necessarily relate to democratic maturity: elections are too often hollow rituals that do nothing to establish a trusting relationship between governors and governed. There is a need to re-establish true legitimacy and credibility within populations.
Depuis les années 1990, l’Afrique a intégré l’élection multipartite dans ses pratiques politiques (1). Toutefois, le continent reste caractérisé, à quelques exceptions près, par une démocratie qualifiée, par de nombreux chercheurs et experts, de « procédurale », bien éloignée de la démocratie véritable ou « substantielle » (2) à laquelle aspirent les populations. En effet, l’exercice des libertés publiques, la pluralité de l’information et l’indépendance des institutions y demeurent insuffisants (3). La démocratie reste le plus souvent formelle avec des processus électoraux, qui, bien que réguliers, ne suscitent que frustrations sur fond de montées des tensions, pouvant affecter la stabilité de régions entières. Aujourd’hui, en Afrique c’est toute la question de la sincérité des transitions vers la démocratie par l’élection qui est posée. En effet, la rareté des alternances politiques (4), l’abstention croissante des électeurs et les récents coups d’État interrogent la crédibilité de cette voie pourtant plébiscitée par les institutions multilatérales. Cette interrogation paraît d’autant plus légitime qu’un lien puissant semble unir gouvernance démocratique et stabilité sécuritaire sur le continent (5). Les modalités de captation du pouvoir et les mécanismes de responsabilisation des dirigeants exercent une influence directe sur le niveau de sécurité aussi bien nationale que régionale. La persistance d’une conflictualité forte en Afrique, notamment au Sahel, dans les Grands Lacs ou bien encore au Soudan (6), atteste que les processus de transition démocratique n’ont, in fine, pas apporté la paix et la stabilité attendues à l’issue de la période de guerre froide (7).
C’est dans ce contexte, que se tiendront, au cours des deux prochaines années, plusieurs scrutins majeurs pour l’Afrique avec des échéances électorales déterminantes, comme au Bénin, au Burundi, au Cameroun, en Centrafrique, en Côte d’Ivoire, au Malawi, en Namibie, en Tanzanie ou encore au Gabon et en Guinée où les élections marqueront la fin de la période de transition (8). À cette liste s’ajoutent les calendriers encore incertains des pays sahéliens (Mali, Burkina Faso, Niger), où des annonces sont attendues concernant un éventuel retour à l’ordre constitutionnel. L’ensemble de ces processus électoraux revêtira alors une portée politique particulière à l’échelle du continent, notamment pour l’Afrique francophone, ébranlée par les coups d’État depuis 2021 (9) et marquée par des scrutins récents à forts enjeux, comme au Sénégal et au Gabon (10). Ces épisodes électoraux s’inscrivent en outre dans le cadre plus large d’une reconfiguration des relations internationales, où les équilibres politiques et diplomatiques de l’Afrique sont en pleine redéfinition.
Au fil de cet article, nous verrons d’abord en quoi les élections constituent une composante essentielle du maintien de la paix et de la sécurité internationale. Nous analyserons ensuite leur articulation avec le principe de souveraineté nationale et la recherche de légitimité démocratique. Enfin, nous montrerons que la légitimité du pouvoir issue d’élections crédibles est un pilier fondamental de la stabilité politique.
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