Editorial
Éditorial
Alors que la guerre imposée par la Russie à l’Ukraine va bientôt entrer dans sa quatrième année et que l’Europe est la cible des actions hybrides menées par Moscou, il est indispensable de penser et préparer demain sur les enjeux de sécurité pour le Vieux Continent. Certes, les situations militaire et diplomatique semblent dans une impasse stratégique. Moscou revendique une victoire et de ce fait la capitulation de l’Ukraine, tandis que celle-ci résiste avec courage, défendant chaque mètre carré de son territoire avec acharnement. Les Européens – au sens large – poursuivent leur soutien à Kiyv tout en entamant leur réarmement face à la menace russe, tandis que Washington tergiverse en fonction des humeurs du président Trump, fort avec les faibles mais ambigu à l’égard du Maître du Kremlin.
Le paradoxe est que nous sommes replongés dans une nouvelle guerre froide, alors que nous avons vécu dans l’illusion des « dividendes de la paix » pendant près de trois décennies. Et pourtant, à regarder dans le passé, il y avait matière à espérer. En 1975, il y a 50 ans, les Accords d’Helsinki ouvraient une brèche dans le monolithisme soviétique. Brèche qui, peu à peu, s’est élargie pour emporter 15 ans après l’URSS et le Pacte de Varsovie, permettant la réunification de l’Europe jusqu’alors divisée par un « rideau de fer » totalitaire. Une période s’est alors ouverte à la suite des Accords de Paris qui fêtent leurs 35 ans et qui proposaient une approche apaisée des relations Est-Ouest basée sur une confiance reconstruite et un projet démocratique. Hélas, malgré les espoirs engendrés, au final, la guerre est de retour, les nationalismes alimentés par le populisme divisent les Nations tandis que la menace russe est croissante et pèse sur tous les Européens. Il est cependant utile et nécessaire de revenir sur cette période de la fin du XXe siècle, car il faudra bien un jour prochain retravailler l’architecture de sécurité de l’Europe, alors même que le lien transatlantique – pourtant le pilier de la défense collective – est désormais plus fragile.
Dans ce contexte international très tendu, nos armées doivent poursuivre leurs efforts d’adaptation et de mutation afin de répondre aux défis de demain avec des engagements plus longs et plus intenses. Le temps du conflit asymétrique est révolu. Cela oblige à accélérer cette transformation avec un spectre qui ne cesse de s’élargir autour de nouveaux champs de conflictualité tout en voyant la haute intensité redevenir la norme. Réfléchir – pour agir – sur les nouveaux paradigmes de la guerre, retrouver de l’épaisseur notamment dans les ressources humaines, anticiper des changements dans l’appréhension des défis de demain encore peu clairs… Plus que jamais, il y a urgence à renforcer nos capacités et surtout à imaginer non pas les dividendes de la paix, mais les exigences de la guerre.
Enfin, la RDN rend hommage à Jean-Philippe Immarigeon, avocat et essayiste, qui a longtemps accompagné la revue et dont la vivacité d’esprit a été un stimulant intellectuel indispensable. À Dieu, l’ami ! ♦
 






