Pour les États-Unis, l'engagement en Irak promet-il d'être un nouveau Viêt-nam ? Désormais, que de facteurs contre les États-Unis ! L'Irak n'est qu'une des scènes d'un vaste affrontement, celui qui oppose la modernité occidentale à tout ce qui lui résiste. Alors, où se trouve le terrain décisif ? Est-il en Irak ? Dans cette perspective, la guerre américaine du Viêt-nam (1964-1973) rappelle qu'un échec ou même une défaite à un niveau peut être une victoire à un autre. Le combat américain au Viêt-nam a « fixé » le conflit Est-Ouest pendant une décennie, durant laquelle l'Asie non-communiste a décollé, montrant que le communisme n'était plus l'avenir de cette région. De même, l'affaire irakienne s'inscrit dans un enjeu beaucoup plus vaste : la transformation du Proche-Orient. Alors pourquoi la victoire ? Pourquoi la défaite ? Trois éléments sont finalement décisifs : la puissance comme capacité d'innovation et de création ; le soutien du vent de l'histoire ; enfin, mais seulement en dernier ressort, une conception claire de ce que l'on veut faire.
Politique et diplomatie - Le terrain décisif
L’affaire d’Irak est fort mal engagée, nul ne peut le nier. Les soldats de la coalition américano-britannique sont pris au piège d’un combat interminable et douteux. Face à eux, les résistances se durcissent et s’organisent. L’Irak se révèle être un nœud de vipères aux rancœurs innombrables, notamment entre Kurdes et Arabes, entre Chiites et Sunnites. Tout ce qui a été étouffé par la dictature de Saddam Hussein s’exprime, entraînant le pays dans une quasi-guerre civile. La coalition menée par les États-Unis, semble-t-il, ne peut pas gagner, mais peut-elle se retirer ? Au Viêt-nam (1964-1973), la lutte était claire entre deux ennemis définis. En Irak, il n’y a pas d’ennemi, mais des réactions hostiles multiformes. Il ne s’agit pas de vaincre un adversaire mais de transformer de fond en comble l’Irak. À ce propos, il n’est pas du tout certain qu’une participation accrue de l’Organisation des Nations unies (ONU) — présentée souvent comme une solution miracle — légitime l’intervention extérieure. Au contraire, pour ceux qui condamnent l’ordre international actuel, cette participation renforcée ne sera qu’une nouvelle preuve de la collusion entre la puissance américaine et les mécanismes de l’ONU : si celle-ci se fait plus présente, ce sera pour habiller la poigne américaine d’un voile multilatéral. L’attentat, cet été, contre le siège de l’ONU à Bagdad montre que ce qui est refusé c’est l’extérieur, quel qu’il soit. En outre, l’ONU n’est que ce que les États veulent bien lui donner ou lui prêter (notamment les moyens militaires).
Alors le sort en est jeté ! L’Irak est voué à s’enfoncer dans le chaos. Les forces d’intervention, de plus en plus isolées, s’enfermeront dans leurs forteresses, déchaînant la fureur des foules. Il ne restera aux États-Unis et à leurs alliés qu’à organiser, dans les pires conditions, des évacuations encore plus cauchemardesques que celles du Sud Viêt-nam, lors de la débâcle de 1975. L’abcès irakien s’étendra, emportant les voisins, de la Syrie à l’Iran et à l’Arabie saoudite, dans un désordre général.
Pourquoi pas, mais n’est-il pas possible de prendre la question autrement ? L’affaire d’Irak ne représente qu’un élément dans un vaste tableau, une péripétie dans un drame planétaire. D’où une succession d’interrogations : l’Irak est-il le champ de bataille décisif ? Dans quelle mesure l’est-il ? Quel est le véritable affrontement en cours ? Américains contre Irakiens ? Ou…
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