Gendarmerie et sécurité intérieure - Les autres instruments mesures de la délinquance
La publication annuelle des chiffres de la délinquance donne lieu invariablement à des interrogations et des controverses sur les variations mises en évidence (1), mais aussi à propos de la fiabilité des indicateurs mobilisés, à savoir ceux produits par les services de police et de gendarmerie (2). Ces statistiques, largement utilisées avec un a priori scientifique et une autorité intellectuelle dans les discours et débats idéologiques, doivent pourtant être regardées avant tout, non comme les comptes d’apothicaire de la délinquance, mais comme le reflet de l’activité des policiers et des gendarmes, voire de l’évolution de la commande institutionnelle.
Aussi, et sans remettre en cause leur pertinence pour rendre compte même partiellement de l’état de l’insécurité, paraît-il indispensable de les confronter aux données susceptibles d’être obtenues à l’occasion des enquêtes de « victimation », afin notamment de déterminer, même approximativement, le taux de déclaration (pourcentage de victimes d’un délit déposant plainte auprès des services de police et de gendarmerie). Une telle enquête conduite en 1999 par l’Insee apporte, dans cette perspective, quelques éléments afin d’évaluer la réalité du phénomène insécuritaire (3). Cette enquête, ayant porté sur un échantillon de 5 555 ménages représentant 10 618 personnes interrogées à propos de faits survenus en 1997 et 1998, a montré que les atteintes aux biens sont tendanciellement plus souvent déclarées que les atteintes aux personnes, et que les faits les moins déclarés sont ceux qui ont paradoxalement le plus d’incidence sur le sentiment d’insécurité. Ainsi, le nombre réel de cambriolages de résidences principales serait près de deux fois et demie plus important que celui des faits déclarés. Il en est de même pour les coups et blessures (rapport de 2,4). En raison, pour l’essentiel, des conditions de prise en charge des dommages par l’assurance, l’écart le plus faible concerne les vols de véhicules (qui seraient déclarés à 83 %) et le plus important, les dégradations et destructions de véhicules (seulement 15 % déclarés).
Depuis le milieu des années 80, un certain nombre d’enquêtes de ce type a été conduit en France, l’Insee intégrant, à partir de 1995, ces questionnements dans ses enquêtes sur les conditions de vie des ménages. Il s’agit de mesurer le nombre d’incidents déclarés par les victimes sur une période considérée à l’occasion d’un sondage ; les délits et crimes ainsi mentionnés peuvent ou non avoir été portés à la connaissance de la police et de la justice, ce qui suppose de quantifier les « incidents » évoqués par les victimes à partir des définitions juridiques, de manière à permettre un rapprochement avec la délinquance constatée. Par ailleurs, le large éventail d’incidents couverts (par exemple, les menaces et les injures), qui dépasse les catégories juridiques (policières), peut renseigner sur les conditions et modes de vie des personnes interrogées, au-delà même de leur victimation propre, par exemple en matière de mobilité dans l’espace urbain (sorties, transports en commun), ce qui permet d’associer un environnement au risque de victimation et d’en mesurer les répercussions psychosociales. La mesure de la victimation repose sur des calculs de deux principaux taux : le taux de prévalence ou de victimation (nombre de personnes victimes par rapport à la population et par catégories d’incidents) et le taux d’incidence (nombre d’incidents subis par les victimes par rapport à la population considérée), de sorte qu’il peut exister une différence entre ces deux taux dans la mesure où une même personne peut déclarer avoir été victime de plusieurs faits relevant de la même catégorie. Ce genre d’enquête comporte généralement un volet consistant à interroger les personnes sur les conséquences des faits subis en termes de peurs et d’angoisses au sujet de leur sécurité personnelle, la mesure du sentiment d’insécurité ainsi obtenue pouvant être confrontée au taux de victimation.
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