L’industrie navale européenne apparaît aujourd’hui à la croisée des chemins, après avoir connu au cours des dernières décennies de profondes restructurations. Dans le domaine civil, elle apparaît fortement fragilisée, tandis que dans le domaine militaire, elle reste trop morcelée, tout en offrant de réelles opportunités de consolidation. Face à ces enjeux, les entreprises comme les pouvoirs publics doivent définir des stratégies volontaristes, car les choix qui seront faits dans les années à venir conditionneront, sans nul doute, la pérennité et le développement de cette industrie en Europe.
L'industrie navale en Europe
Se dirige-t-on vers la constitution d’un « EADS naval » ? En mai dernier, l’annonce de la fusion des deux principaux groupes navals militaires allemands, HDW et ThyssenKrupp, a en effet été présentée comme le prélude à des rapprochements européens, d’aucuns évoquant la création prochaine d’un pendant naval à l’entreprise aéronautique. Si une telle annonce s’avère sans doute prématurée à ce jour, le paysage européen apparaît largement ouvert à des recompositions de grande ampleur, alors même que les acteurs français DCN et Thales devraient renforcer leurs liens et que se profilent des programmes majeurs en coopération, tels que les frégates multimissions (Fremm).
L’évolution de l’industrie navale militaire peut difficilement être dissociée de celle de l’industrie civile, puisqu’en Europe plusieurs chantiers militaires produisent également des navires marchands, tandis que se pose aujourd’hui la question d’un rapprochement entre DCN et les Chantiers de l’Atlantique. Pour autant, les marchés civil et militaire relèvent de modes de fonctionnement très différents : si le premier compte de très nombreux constructeurs, avec une clientèle pour l’essentiel privée, le second ne comprend que peu d’acteurs disposant des compétences nécessaires à la réalisation de navires armés, notamment en matière de systèmes de combat, et l’activité des groupes repose largement sur les commandes nationales, comme pour tout secteur de défense. De fait, la situation des industries civile et militaire apparaît aujourd’hui contrastée.
Le secteur civil, fragilisé
Intervenant sur un marché fortement internationalisé, le secteur civil européen apparaît en effet très fragilisé, se trouvant en butte à la vive concurrence des chantiers asiatiques, notamment de la Corée du Sud et du Japon, mais aussi de la Chine : ces trois pays représentent aujourd’hui 85 % du carnet de commandes mondial, tandis que la part de marché de l’Union européenne n’atteint plus que 5 % en 2003. Si la domination des chantiers asiatiques s’explique pour partie par des coûts de main-d’œuvre peu élevés, elle repose aussi largement sur le recours à des pratiques commerciales déloyales telles que le dumping.
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