Quelle sera la place de l'Europe puissance militaire ? L'expression de la puissance peut en effet difficilement ignorer l'aptitude et la volonté à mener une guerre de haute intensité. Or, l'organisation actuelle et future, définie notamment par le Traité constitutionnel, les expériences de structures militaires multinationales, font des forces armées plus un laboratoire de l'intégration européenne qu'une fonction destinée à jouer son rôle à part entière au sein de l'Europe de la défense. Cette situation laisse donc quelque doute sur l'efficacité à attendre des efforts en cours.
Quelles forces militaires pour quelle Europe de la défense ?
L’Europe à 25 membres, représente 453 millions d’habitants et un quart du PNB mondial. Elle ambitionnerait un rôle qui ne soit pas seulement celui d’une Europe marchande, mais aussi celui d’une Europe politique influant sur les affaires du monde, sans toutefois s’engager militairement dans ce qui pourrait s’apparenter à des intérêts communs de puissance, non identifiables dans les missions de Petersberg, même élargies par la Constitution européenne. La réalité de l’Europe de la défense suscite donc les questions suivantes : L’Europe doit-elle limiter ses ambitions à la gestion des crises et à la croissance économique ? L’Europe peut-elle se maintenir dans l’incapacité idéologique et technique d’intervenir militairement dans un conflit de haute intensité, condition nécessaire pour être crédible ? Les « restructurations » militaires des différents États européens n’ont-elles pas pour simple vocation à faire accepter d’une manière inéluctable une armée commune, seulement capable de répondre à des opérations de police internationales ?
Ces nombreuses questions amènent naturellement une réflexion sur la place de la fonction militaire dans la construction européenne. En effet, malgré les conflits, une partie des responsables européens ne considèrent pas les forces militaires comme un moyen de résoudre les questions internationales. « Il n’y a jamais de solution militaire mais seulement une solution politique » entend-on avec persistance. Cette position conduit à une « Europe-puissance » difficile à construire, insinuant le doute sur sa volonté réelle d’agir avec détermination hormis par la négociation et… les palabres. Le recours légitime à la violence est une option comme les autres et ne devrait pas être affiché pour un emploi uniquement en dernier recours. Les forces armées ont pour objet, non de résoudre définitivement les conflits mais de rétablir un nouveau rapport de force autorisant des négociations sur de nouvelles bases. Le manque de culture militaire de nos élites politiques, le pacifisme européen latent — certes explicable par les grandes guerres dont les anniversaires ont été rappelés avec force en 2004 — et l’illusion temporaire d’une « Europe sûre » (1) provoquent l’endormissement de cette vigilance sécuritaire malgré la persistance des guerres, y compris mais pas uniquement, celle menée contre le terrorisme.
L’Europe se construit, privilégiant la gestion de crise par la prévention, le dialogue et la reconstruction des États grâce à sa capacité financière et en limitant au plus bas ses capacités militaires, tout en les dissimulant sous un discours volontariste. Les corollaires en sont « mutualisation », « dissolution des forces », « spécialisation » jusqu’à l’idée de fusion des armées allemandes et françaises comme le proposait alors Pascal Lamy (2), commissaire européen. L’appel des dirigeants socialistes européens (3), mais pas uniquement eux, pour inciter la France à voter « oui » à la Constitution pour l’Europe est significatif. Leurs motivations ne s’appuient pas sur la sécurité et la défense mais sur une Europe sociale et économique, la seule menace étant le terrorisme. Cette mauvaise perception des enjeux et menaces futurs met en danger à terme notre sécurité nationale et collective.
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