Dès son apparition en 1997 dans le débat doctrinal français, le concept d’arme non-létale a suscité maintes controverses, souvent caricaturales, certains le rejetant comme un fantasme de science-fiction, d’autres l’envisageant comme une voie révolutionnaire parallèle à l’emploi des forces classiques. Dénonçant le déficit dont souffre la réflexion stratégique sur le non-létal, l’auteur s’interroge sur les inflexions doctrinales qu’engendre un tel concept, et met l’accent sur les potentialités tactiques qu’offrent ces systèmes d’armes de nouvelle génération.
L'arme non-létale dans la doctrine et l'action des forces terrestres
Non-lethal weapons in land forces' doctrine and operations
Since their first appearance in the debate on doctrine in France, non-lethal weapons have raised much controversy, often far-fetched, with some rejecting the concept as a science fiction fantasy and others seeing it as a revolutionary parallel path to the use of classical forces. Pointing out the absence of strategic thought on non-lethal weapons, the author examines the modifications in doctrine that such weapons imply, emphasising the tactical potential offered by these new-generation weapons systems.
« Les armes non-létales (ANL) sont des armes spécifiquement conçues et mises au point pour mettre hors de combat ou repousser le personnel, avec une faible probabilité d’issue fatale ou de lésion permanente, ou mettre hors d’état le matériel, avec un minimum de dommages non intentionnels ou d’incidences sur l’environnement » (1).
Dans sa genèse conceptuelle, entreprise par le Marines Corps suite au traumatisme de Restore Hope, la non-létalité constituait une réponse doctrinale directe à la multiplication des conflits de basse intensité et à l’émergence de l’asymétrie comme rupture structurante du contexte polémologique post-guerre froide. Une série de facteurs politico-militaires liés à la réorientation des armées vers le maintien de la paix a joué en ce sens : la judiciarisation et le durcissement des règles d’engagement et des contraintes imposées dans les opérations extérieures par le droit international, l’urbanisation des conflits avec la présence d’éléments civils mêlés aux combattants, mais également celle des médias, sont devenus déterminants. La confluence de ces paramètres a naturellement favorisé l’interrogation sur ce qui apparaissait au début des années 90 comme un simple reliquat de science-fiction, la non-létalité.
C’est effectivement toute la séduction du concept d’arme non-létale que de pallier les effets négatifs de l’asymétrie : en fournissant aux politiques un argument pour légitimer des opérations qui ne pourraient l’être avec des armes conventionnelles ; en offrant aux décideurs sur le terrain un éventail d’options supplémentaires d’intervention ; enfin en ouvrant aux industriels de l’armement la perspective d’un marché autonome. Quitte à parler d’une troisième voie entre dissuasion nucléaire et emploi des forces classiques, il y a cependant, nous allons le voir, un gouffre.
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