Présentation des résultats de la cinquième enquête annuelle réalisée par Ipsos en 2006 sur l’Europe et ses moyens de défense, auprès de 5 000 Européens (Allemands, Britanniques, Espagnols, Français et Italiens), et qui montre un intérêt croissant de ces derniers pour la défense et la sécurité.
L'Europe et ses moyens de défense
European defence capabilities
Results of the fifth annual survey conducted by the market research and polling company Ipsos, in 2006, on Europe and its defence capabilities, amongst 5,000 Europeans (British, French, Germans, Italians and Spaniards), which reveals a growing interest in defence and security matters.
Les Européens ont le sentiment de vivre dans un monde de plus en plus menaçant, où la menace du terrorisme international continue de dominer. Dans ces conditions, ils justifient amplement le droit des forces armées de leur pays à intervenir dans les situations les plus diverses. Ils souhaitent voir l’Europe capable d’intervenir militairement, indépendamment des États-Unis ; et ce souhait n’a jamais été aussi fort. Il en résulte une demande réaffirmée de politique européenne de défense et de sécurité ainsi que d’une politique commune de conception et d’achat d’équipements de défense. Bien que ne bénéficiant pas d’une notoriété élevée, l’Agence européenne de défense (AED) est largement soutenue par ceux qui la connaissent.
Un Européen sur deux se déclare en faveur d’un maintien du montant des dépenses consacrées à la technologie et aux équipements militaires des forces armées. Près de 30 % souhaitent qu’elles augmentent, et de l’ordre de 15 % qu’elles diminuent (1).
Un monde menaçant
Les Européens ont le sentiment de vivre dans un monde où les menaces grandissent. Parmi celles évoquées, le terrorisme international continue de dominer.
Plus de 5 Européens sur 10 considèrent que les menaces pour la paix et la sécurité dans le monde se sont accrues depuis l’année dernière. 42 % des interviewés jugent qu’elles n’ont pas évoluées ; et 4 % pensent qu’elles sont aujourd’hui moins importantes.
« Selon vous, les menaces qui pèsent sur la paix et la sécurité dans le monde sont-elles aujourd’hui plus importantes, moins importantes ou ni plus ni moins importantes qu’il y a un an ? »
Un groupe de menaces est considéré comme majeur par les Européens : le terrorisme international (67 %), la prolifération des armes de destruction massive (65 %) et la montée des extrémismes (62 %) (2).
Bien que toujours située en retrait au regard de ces trois menaces principales, celle qui concerne les conflits potentiels pour les ressources naturelles n’a cessé de progresser depuis 2000 : plus d’un Européen sur deux la considère aujourd’hui comme une menace majeure.
« Pour chacun des éléments suivants, dites-moi s’il représente selon vous une menace très importante, assez importante, peu importante ou ne représente pas de menace pour la paix et la sécurité dans le monde ? »
Réponses : « Une menace très importante » (%)
Menaces |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2006 |
Terrorisme international |
57 |
71 |
74 |
71 |
67 |
Armes nucléaires, chimiques ou bactériologiques de destruction massive |
63 |
70 |
71 |
64 |
65 |
Montée des extrémismes |
51 |
62 |
66 |
62 |
62 |
Conflits pour les ressources naturelles |
42 |
40 |
49 |
46 |
53 |
Déséquilibres riches/pauvres |
41 |
54 |
52 |
49 |
46 |
Des interventions légitimes
Les interventions des forces armées sont jugées légitimes. Dans cet environnement menaçant, les Européens considèrent que les interventions des forces armées de leur pays sont justifiées dans toute une série d’hypothèses. La tendance est très stable depuis 2000.
Renforçant l’idée d’un lien fort dans l’opinion entre problèmes de défense et de sécurité, la quasi-totalité d’entre eux estime que l’intervention des forces armées de leur pays dans des missions de secours en cas de catastrophe naturelle est amplement justifiée (96 %). Et plus de 9 personnes interrogées sur 10 continuent de légitimer l’intervention pour la défense du territoire national.
« Pour chacun des cas suivants, dites-moi si vous jugez qu’il justifie que des forces armées (de votre pays) interviennent ? »
Réponses : « Oui » (%)
Interventions |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2006 |
Catastrophes naturelles |
95 |
94 |
94 |
95 |
96 |
Défense du territoire national |
90 |
91 |
91 |
91 |
92 |
Maintien ou rétablissement de la paix avec les Nations unies |
85 |
86 |
84 |
82 |
84 |
Stopper la guerre civile |
82 |
83 |
83 |
78 |
81 |
Lutte contre le terrorisme |
|
84 |
84 |
79 |
80 |
Protection des ressortissants |
79 |
81 |
80 |
79 |
79 |
Agression |
65 |
73 |
67 |
66 |
65 |
Une Europe autonome
La capacité d’intervention indépendamment des États-Unis : le souhait de voir l’Europe pouvoir décider d’intervenir indépendamment des États-Unis n’a jamais été aussi fort.
La proportion d’Européens qui considèrent que l’Europe devrait avoir la capacité de décider de faire intervenir ses forces de défense sans l’appui des États-Unis n’a cessé de croître depuis 2000. Ce sentiment est aujourd’hui partagé par 80 % des Européens et progresse de la manière la plus forte en Espagne (+ 7 points).
« Selon vous, l’Europe devrait-elle pouvoir décider de faire intervenir ses forces de défense sans l’appui des États-Unis ? »
Réponses : « Oui » (%)
Pays |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2006 |
France |
76 |
78 |
80 |
81 |
87 |
Allemagne |
72 |
72 |
76 |
84 |
84 |
Royaume-Uni |
76 |
77 |
81 |
79 |
83 |
Espagne |
59 |
68 |
71 |
71 |
78 |
Italie |
64 |
59 |
59 |
71 |
66 |
Europe |
70 |
71 |
74 |
78 |
80 |
Des moyens adaptés
Les Européens sont aujourd’hui plus nombreux à penser que l’Europe a les moyens d’intervenir indépendamment des États-Unis. Les Français et les Britanniques sont les plus largement convaincus que l’Europe a les moyens en matière d’équipement et de technologie de défense d’utiliser ses forces armées sans l’appui des États-Unis. Ce sentiment n’a cessé de croître globalement en Europe au cours des années, tout particulièrement en France et en Grande-Bretagne (3).
« Selon vous, l’Europe a-t-elle les moyens en matière de technologie et d’équipements de défense, de décider de faire intervenir ses forces armées sans l’appui des États-Unis ? »
Réponses : « Certainement » + « Probablement » (%)
Pays |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2006 |
France |
61 |
62 |
59 |
66 |
75 |
Royaume-Uni |
54 |
67 |
58 |
62 |
73 |
Allemagne |
58 |
59 |
61 |
64 |
67 |
Espagne |
43 |
56 |
52 |
49 |
57 |
Italie |
42 |
46 |
46 |
46 |
47 |
Europe |
53 |
58 |
55 |
58 |
65 |
PESD
Une politique européenne commune de défense est toujours souhaitée globalement par une large majorité d’Européens (82 %) tout comme au sein de chacun des pays enquêtés.
Les Allemands (90 %) demeurent les soutiens les plus solides de cette politique. L’Espagne (83 %, + 5 points) se hisse cette année au niveau de la France à cet égard.
« Selon vous, une politique européenne commune de défense est-elle aujourd’hui… »
Réponses : « Essentielle » + « Souhaitable » (%)
Pays |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2006 |
Allemagne |
87 |
88 |
88 |
90 |
90 |
Espagne |
78 |
82 |
84 |
78 |
83 |
France |
83 |
87 |
85 |
83 |
82 |
Italie |
75 |
82 |
86 |
81 |
78 |
Royaume-Uni |
78 |
78 |
78 |
73 |
75 |
Europe |
81 |
84 |
84 |
82 |
82 |
Industrie d’armement
Les Européens souhaitent se donner les moyens de développer cette politique de défense commune. Cela devrait notamment passer par les éléments suivants :
- Une industrie de la technologie et des équipements de défense performante apparaît comme un des moyens de mettre en œuvre cette politique commune de défense. Cette opinion a progressé depuis 2003 au sein de tous les pays, à l’exception de l’Italie ; 85 % des Européens partagent aujourd’hui ce point de vue.
« Selon vous, est-il essentiel, important, secondaire ou inutile que l’Europe dispose d’une industrie de la technologie et des équipements de défense performante ? »
Réponses : « Essentiel » + « Important » (%)
Pays |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2006 |
Allemagne |
87 |
88 |
87 |
89 |
91 |
Royaume-Uni |
88 |
91 |
90 |
83 |
87 |
France |
83 |
85 |
80 |
78 |
84 |
Espagne |
75 |
77 |
80 |
72 |
82 |
Italie |
77 |
85 |
82 |
80 |
77 |
Europe |
83 |
86 |
84 |
81 |
85 |
- Une politique commune de conception et d’achat d’équipements de défense est préférée à des politiques nationales par plus de 7 Européens sur 10 (71 %).
Cette tendance est totalement cohérente avec le soutien continu de l’opinion publique pour la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) tel que mesuré par exemple dans les enquêtes régulières de l’Eurobaromètre.
C’est en Allemagne que le soutien est le plus marqué (83 %). Il est partagé par la majorité des interviewés de chaque pays, y compris en Grande-Bretagne.
« En matière de conception et d’achat de technologies et d’équipements de défense, souhaitez-vous qu’à l’avenir les pays européens décident d’une politique commune ou que chaque pays conduise sa propre politique en la matière ? »
- Une Agence européenne de défense.
Bien que ne bénéficiant pas d’une notoriété importante (seul un quart des Européens disent la connaître), l’Agence européenne de défense bénéficie d’un large soutien auprès de ceux qui en ont entendu parler (84 %), et ce dans tous les pays interrogés.
« Une Agence européenne de défense, qui a notamment pour rôle de soutenir l’effort fait par les États membres pour améliorer les capacités de défense européennes et pour poursuivre la PESD, a été créée en 2004. En avez-vous entendu parler ? »
« Êtes-vous tout à fait favorable, plutôt favorable, plutôt opposé ou tout à fait opposé à cette Agence européenne de défense ? »
NDLR. D’après le rapport du C2SD et pour rester dans cette idée de coopération, on peut rajouter le fait que pour l’Allemagne, la France et l’Italie, seule une petite minorité des personnes interrogées souhaitent exclusivement des forces armées nationales. La large majorité voudrait que les armées nationales continuent à exister parallèlement à une sorte de force européenne de réaction mixte.
Maintenir ces dépenses
50 % des Européens préfèrent un maintien des dépenses consacrées à la technologie et aux équipements militaires des forces armées. Après un accroissement important du soutien à l’idée d’une augmentation des dépenses notamment suscité par les événements du 11 septembre, l’opinion publique européenne penche aujourd’hui plus largement pour un maintien des dépenses dans le domaine (50 %). La proportion d’Européens favorables à un accroissement des dépenses reste toutefois significativement supérieure (près de 30 %) à ceux qui préféreraient voir ces dépenses diminuer (de l’ordre de 15 %).
« Souhaitez-vous qu’au cours des prochaines années, les dépenses consacrées à la technologie et aux équipements militaires des forces armées (de votre pays) augmentent, restent les mêmes ou diminuent ? »
(1) Cinquième vague de l’enquête réalisée pour EADS depuis quatre ans auprès d’un échantillon de près de 5 000 personnes âgées de dix-huit ans et plus.
(2) NDLR. Si l’on se réfère au rapport « Opinion publique et défense européenne en Allemagne, en France et en Italie » (www.cedoc.defense.gouv.fr) qui expose les résultats du sondage réalisé par le SOWI, le CeMiss et le C2SD en 2002, on constate qu’une autre menace est considérée comme majeure par les trois pays : le crime organisé, qui arrive au second rang des éléments qui font peur, après l’attentat terroriste.
(3) L’économie de la défense 2006, ministère de la Défense/Conseil économique de la défense, 2006, 548 pages.