La Chine vend à l’Inde certains produits manufacturés à des prix défiant toute concurrence, implante des firmes de haute technologie, rachète des sociétés en difficulté et répond à des appels d’offres pour moderniser les ports. Face à cette déferlante, l’Inde fait preuve de retenue. Certes, elle souhaite le développement des relations avec son voisin du nord, mais veut le contrôler et régler le différend frontalier. Prétextant des problèmes de sécurité, elle se montre réticente à un trop grand libéralisme des échanges transhimalayens et maritimes et écarte les Chinois du programme de modernisation de ses ports. L’Inde, de son côté, laisse certaines de ses grandes sociétés industrielles s’installer en Chine où elle développe sa présence bancaire.
Inde-Chine : les difficultés d'une coopération
Carte de l'Asie centrée sur l'Inde et la Chine
India-China: difficulties in cooperation
China is selling to India a range of manufactured products at prices that defy competition, is installing high-tech companies and buying up others that are in difficulty, and submitting tenders for port modernisation projects. Faced with this onslaught, India is being circumspect: naturally it wants to develop relations with its northern neighbour, but wants to be able to control them, and to settle the frontier questions. Citing security problems, it is being reticent about overly liberal trans-Himalayan and maritime exchanges, and is keeping China at arm’s length from its port modernisation programme. On the other hand, India is allowing some of its big industrial groups to set up in China, where it is expanding in the banking sector.
De plus en plus présente dans les pays d’Asie du Sud limitrophes de l’Inde, notamment au Pakistan et au Bangladesh ainsi que sur les franges du sous-continent, en Afghanistan et en Birmanie, la Chine fait feu de tout bois pour développer ses échanges commerciaux avec l’Inde elle-même, pour y implanter des usines, conjointes ou non, et participer à de grands projets d’infrastructure. Face à ce dynamisme multidirectionnel qui vise de très nombreux secteurs, New Delhi fait preuve d’une grande prudence voire de méfiance, même si, officiellement, elle soutient le développement des relations avec son grand voisin du nord.
Voies terrestres, ferroviaires et aériennes
D’abord, l’Inde entend limiter les échanges par le col de Nathu (Nathu La, La signifiant col en tibétain), ayant récemment rouvert dans l’Himalaya à la frontière entre le Sikkim et le Tibet. La liste des produits autorisés à l’exportation comme à l’importation est courte. À l’ouest, les Ladakhis souhaitent la réouverture de la frontière ou plus exactement de la Ligne de contrôle effectif longue de 400 kilomètres qu’ils partagent avec le Tibet (1). Cinq itinéraires pourraient rouvrir, et en tout premier lieu, le plus facile par Demchok le long de l’Indus, là où passent déjà dans la clandestinité nombre de produits chinois que l’on retrouve sur les marchés de Leh, la capitale du Ladakh. Cette route permettrait, en plus, aux Ladakhis d’accéder au lieu saint de Kailash Manasarovar vénéré par les hindous mais aussi les bouddhistes et les jains. Pékin souhaite le rétablissement des liaisons dans la région ladakhie et en tout premier lieu par la vallée de l’Indus. New Delhi temporise car le Ladakh, totalement enclavé l’hiver du fait de l’enneigement des hauts cols qu’empruntent les routes venant de l’ouest du Cachemire (Srinagar) ; et de l’Himachal Pradesh (Shimla), pourrait de facto tomber sous la coupe chinoise en s’accoutumant à recevoir des approvisionnements chinois en toute saison grâce à des routes praticables toute l’année. Pékin ne manquerait pas de montrer les progrès réalisés au Tibet pour tenter d’attirer les Ladakhis qui pourraient alors devenir tributaires des Chinois. Le désir des Ladakhis de rompre l’isolement géographique pourrait l’emporter sur la méfiance à l’égard du régime chinois, hostile à leur religion. L’Inde qui a perdu au profit de la Chine des territoires dans l’Aksai Chin, partie orientale du Ladakh, dans les années 50, ne veut à aucun prix se retrouver dans une telle situation de fait accompli.
La Chine poursuit le développement des voies routières, ferroviaires et aériennes au Tibet. Les routes vers l’Himalaya sont modernisées, la ligne de chemin de fer reliant Pékin à Lhassa est achevée et sera prolongée jusqu’au Népal. Le Tibet possédait déjà deux aéroports, Lhassa et Qamdo plus à l’est. Un troisième vient d’entrer en service. Ces infrastructures nouvelles ne sont pas sans conséquences pour l’Asie du Sud. Elles traduisent une volonté stratégique chinoise de s’implanter au sud de l’Himalaya. L’Inde a du retard dans le développement des régions qui bordent la Chine ; mais par son programme de développement des zones frontalières (Border Area Development Plan) elle modernisera le réseau routier près de la frontière chinoise, notamment au Jammu et Cachemire (ce qui pourrait inclure le Ladakh), en Himachal Pradesh (où se trouve le point de passage vers le Tibet de Shipki La), en Uttaranchal (où se trouve le point de passage de Lipulekh), au Sikkim (pour avoir plus facilement accès au col de Nathu) et en Arunachal Pradesh (2).
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