Le développement durable est à la croisée des chemins, médiatisé jusqu’à l’excès comme une idéologie régulatrice de l’ensemble des dysfonctionnements socio-économiques. Croisée à une pluridisciplinarité de sciences, de cultures et de modes de vie, sa vision d’ensemble se retrouve brouillée, récupérée à la sauce partisane de chacun des grands acteurs (États, entreprises, ONG). Ce pessimisme n’est pas sans rapport avec la montée en puissance d’une mondialisation qui peine à conjuguer une croissance nécessaire à un cosmopolitisme financier des profits qui ne s’embarrasse plus de limites territoriales, culturelles ou éthiques. Le développement durable fait injonction de résister à une mondialisation globalisante et polymorphe, sans toutefois freiner le développement économique dans les sociétés précaires et paupérisées.
Développement durable : une métaphysique du temps présent
Sustainable development: a present-day metaphysical concept
Sustainable development is at a critical turning point, excessively mediatised as an ideology that can correct every socio-economic dysfunction. Situated at this crossroads, with its multifaceted sciences, cultures and lifestyles, its overall view is clouded by each of the major players (governments, companies, NGOs) acting in their own interests. Such pessimism is not unrelated to the rise in influence of a globalisation that is struggling to combine necessary growth with a profit-related financial cosmopolitanism itself no longer hindered by territorial, cultural or ethical boundaries. Sustainable development calls for resistance to generalised polymorphic globalisation, while not limiting economic development in unstable and impoverished societies.
D’hier et d’aujourd’hui, le développement économique (a fortiori s’il se veut durable) est une démarche qui s’inscrit dans le temps long si l’on cherche à comprendre ses lignes de mouvement et ses failles sociales. Anticipons dans le temps ce qu’il nous est permis d’observer depuis les débuts de l’industrialisation, le monde est toujours économiquement plus productif, mais reste socialement déficient. La production de richesses croît, la santé des populations s’améliore, la pénibilité du travail est en constante régression, des pays anciennement sous-industrialisés émergent (Chine et Inde), les pays développés ont quasiment éradiqué poches de pauvreté et épidémies sanitaires.
Cette perspective du progrès continu est arithmétiquement observable, mais les inégalités demeurent dans les pays pauvres et une menace environnementale guette l’ensemble de la planète. À mesure que la croissance et la consommation sont stimulées sans limites et sans fin par une mondialisation au pas cadencé, le nuage écologique élargit son empreinte à la surface de la Terre et draine des pollutions sans limites et sans fin. La compétitivité de plus en plus acharnée dans la sphère économique a engendré ce couple infernal consommation-pollution, le tout-économique ne s’embarrasse d’aucune frontière idéologique. Le cycle schumpeterien de « destruction-création » qui a porté le progrès jusqu’à l’ère industrielle fonctionne mal aujourd’hui ; parce que la création nouvelle de biens et de services ne se contente pas de détruire ceux qui les ont précédés ; parce que devenus anachroniques, ce qui se conçoit aisément, il induit des innovations de plus en plus précaires, « jetables » à court terme et porteuses de rupture au sein des équilibres naturels pour l’avenir.
Vieilles brûlures
Le réchauffement climatique fait resurgir de vielles « brûlures » qui ont meurtri l’histoire de l’humanité. Des maladies infectieuses, comme la tuberculose, refont surface dans des contrées dont le mode de développement n’a pas suffisamment instruit sur les principes d’hygiène de vie. Des épidémies infectieuses d’origines diverses (bactéries, virus, parasites) accompagnent les mouvements migratoires, plaçant en « quarantaine » les populations et décimant le bétail destiné à la consommation humaine. À la source de ces pandémies ravageuses, on trouve bien souvent la pauvreté et l’insalubrité, mais aussi des déficiences d’information dues à des régimes autoritaires qui se « moulent » dans la mondialisation par intérêt économique tout en rechignant à démocratiser des systèmes de pouvoir féodaux et totalitaires. Il peut arriver que par manque de connaissances ou après des choix scientifiques malencontreux, on se trouve exposé à des risques sanitaires parfois mortels, comme lors de l’« affaire » du sang contaminé en France, mais dans la plupart des épidémies, qu’il s’agisse de la « vache folle » ou de la grippe aviaire, l’ampleur du mal et ses conséquences humaines ont résulté de dysfonctionnements socioculturels et de déficiences politiques. Certes, on observe bien un certain désenchantement social qui tient à l’air du temps dans les pays nantis, certaines élites occidentales donnant dans le « déclinisme » culturel pour mieux se faire entendre de la société civile ; pour autant, la démocratie politique demeure le moyen le plus idoine pour contrer la propagation des maladies endémiques. La liberté d’information enraye la contamination, en quelque sorte.
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