Dans le numéro de février 2007 de Défense nationale et sécurité collective, François Goguenheim dénonçait la montée de l’islamisme révolutionnaire. Olivier Kempf lui répond en s’interrogeant sur les notions de menace, de totalitarisme, d’islam, de terrorisme et d’Occident. À la lecture de ses remarques, François Goguenheim précise son premier article, et récuse l'argumentaire d’Olivier Kempf.
Libre réponse - À propos de l'islamisme révolutionnaire
François Goguenheim s’alarme du totalitarisme que serait l’islamisme révolutionnaire (1). Il rend compte pour cela du livre d’Elie Barnavi, Les religions meurtrières et explique que les démocraties se complaisent dans « une douce insouciance qui n’est pas sans analogie avec la situation des années 30 face à la montée du nazisme ». Je ne résiste pas au plaisir de reprendre avec François Goguenheim un dialogue entamé, il y a quelques années, sur les bancs d’écoles supérieures ; surtout, il est bon que notre revue laisse libre cours à des controverses intellectuelles qui enrichissent la réflexion, au moins autant que les articles de fond que l’on y trouve par ailleurs.
La plus grande menace ?
Ainsi, « l’islamisme révolutionnaire tend à devenir le nouveau paradigme des relations internationales » : si on comprend bien, il s’agit donc d’une théorie qui permet d’expliquer les affaires du monde ; remarquons que cette théorie n’est pas décrite. Surtout, malgré sa prétention à la totalité (suggérée par le mot paradigme), il est dit aussitôt que « nos contemporains nient l’évidence » ; on s’interroge alors : « l’islamisme révolutionnaire » n’est donc pas une théorie, mais un fait ? est-ce le fait dont nos contemporains nient l’évidence ? la chose serait surprenante : il n’est que d’aller dans n’importe quelle librairie au rayon de la politique internationale pour s’apercevoir que la moitié des nouveautés traite de l’islamisme et de la menace qu’il représente. En fait, on a plutôt l’impression que la peur de l’islamisme révolutionnaire est l’alpha et l’oméga de la compréhension du monde par nos contemporains. F. Goguenheim parle alors de « refus absolu de l’idée même de confrontation », ce qui serait une « attitude suicidaire ». On voit mal ce qu’il veut vraiment dire : faut-il déclarer la guerre ? à qui ? avec quels moyens et quels modes d’action ? Et plus loin, affirmer que le « combat contre le fondamentalisme révolutionnaire musulman sera la grande affaire du XXIe siècle » : n’est-ce pas lui faire trop d’honneur ? on a plutôt l’impression qu’on lui donne une dimension qu’il n’a pas et qu’il ne mérite pas : le faire serait donner raison à Ben Laden.
Certes, il est probable « qu’une partie du monde musulman » (nous soulignons) veuille trouver une solution à ses « échecs » « en s’immergeant dans une orthopraxie figée par l’abandon volontaire et multiséculaire de toute interprétation exégétique des textes sacrés, par l’ignorance obtuse de toute idée exogène à la sphère de référence ». Il est vrai également que « poussant à l’excès sa critique méthodologique, l’Europe détruit une à une ses défenses au nom du relativisme culturel » et que « sur le terrain de la commisération, l’occident est bien seul face à l’assourdissant silence du reste du monde » (2). D’accord enfin pour dénoncer « la mise à l’écart suicidaire des femmes » : il n’est que de relire le lumineux L’amour et l’Occident (3) de D. de Rougemont pour comprendre que la source vive de l’Occident et de ses succès réside dans son traitement de la femme : cette suprématie remonte d’ailleurs au Moyen-Âge, bien avant la Renaissance ou les Lumières.
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