La mise en évidence, dans des travaux récents des généraux Smith et Desportes, du déplacement du centre de gravité des opérations militaires de la bataille vers la phase de stabilisation ou de « guerre au sein de la population » conduit à d’importantes évolutions dans l’emploi des forces d’active. La réserve militaire reste cependant insuffisamment étudiée. Ces nouvelles circonstances rendent pourtant son emploi plus nécessaire et plus opportun quand il faut durer, diversifier les modes d’action et agir auprès des populations. Les capacités qu’elle représente offrent une marge de manœuvre jusque-là peu utilisée en France, mais d’un réel intérêt, alors que l’élaboration d’un nouveau Livre blanc est entreprise dans un contexte particulièrement contraint.
La réserve militaire et « la guerre au sein de la population »
Military reserves and ‘war among the civilian population ’
Recent works by Generals Rupert Smith and Vincent Desportes have highlighted the trend for military operations to move from the battlefield to stabilisation operations, or ‘war among the civilian population’. This is leading to major changes in the use of regular forces but little attention has been devoted thus far to the military reserves. The new circumstances nonetheless make their employment both necessary and more appropriate in long-term operations involving a wider range of activities and the civil population. The capabilities of the reserves offer a flexibility which has been little used so far in France, but which is particularly relevant at a time when a new White Paper is in gestation in a particularly difficult context.
Deux livres récents, celui du général Sir Rupert Smith L’utilité de la force, l’art de la guerre aujourd’hui (1) et le document FT-01 publié sous le titre Les forces terrestres dans les conflits aujourd’hui et demain (2), analysent les changements majeurs intervenus depuis la fin de la guerre froide. Ces deux ouvrages s’articulent autour d’une idée principale : le déplacement de la phase décisive de l’action militaire, de la guerre ouverte interétatique vers la phase de stabilisation ou de « guerre au sein de la population ».
Le nouveau centre de gravité des opérations
Ce nouveau centre de gravité des opérations induit des changements majeurs dans trois dimensions : le temps, le lieu et l’action, par référence aux unités du théâtre classique. Les conséquences en sont donc extrêmement larges et complexes et induisent une transformation en profondeur.
L’unité de temps est sans doute celle qui est la plus visiblement bouleversée. Là où les conditions de la paix future auraient dû sortir du choc brutal et, le plus souvent, bref des volontés guerrières, on voit maintenant s’éterniser les conflits. Les engagements en ex-Yougoslavie ou en Afghanistan dépassent ou égalent, en temps, celui de la Seconde Guerre mondiale. En fait, cette durée est le signe extérieur du déplacement de l’effet stratégique de la phase d’intervention où il faut gagner la bataille, éventuellement par un combat de haute intensité interétatique, à la phase de stabilisation qui peut durer plusieurs années et reste marquée par une forte réversibilité de la posture de la force.
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