Maintes fois vouées à figurer parmi les reliques de la guerre froide, l’Alliance atlantique et l’Otan demeurent pourtant la pierre angulaire de la sécurité européenne. Le maintien de la plus grande alliance militaire du monde s’est néanmoins opéré au détriment de plusieurs de ses atouts : la cohésion de ses membres, la cohérence de ses objectifs et la connaissance de ses limites d’action. Au lendemain du Sommet de Bucarest et quelques mois avant le 60e anniversaire de l’organisation atlantique, un état des lieux des perspectives et défis à venir peut s’avérer salutaire.
Otan : les défis de la cohésion
NATO: the challenges of cohesion
Despite often being seen as one of the relics of the Cold War, the Atlantic Alliance is still the keystone of European security. Nonetheless, preserving the world’s greatest military alliance has happened to the detriment of some of its greatest assets: the cohesion of its members, the coherence of its objectives and awareness of its limitations. After the Bucharest summit and a few months from the Atlantic organization’s 60th anniversary, it is useful to take stock of its perspectives and the challenges on the horizon.
Le Sommet de Bucarest a, une fois de plus, confirmé une tendance déjà inscrite de longue date dans le processus de transformation de l’Alliance : le relationnel transatlantique dépasse de loin l’espace européen « historique » et déborde le cadre strict de l’objet politico-militaire sur le plan matériel. Contrairement à une idée répandue, ce dernier Sommet n’aura pas fait figure d’étape charnière dans l’histoire de l’Organisation. La Déclaration (1) produite à son issue a certainement généré davantage d’interrogations qu’elle n’a offert de réponses.
Des ambitions globales
Une première interrogation concerne la composition de l’Alliance et, par conséquent, l’identité même de l’Organisation. L’adhésion des pays d’Europe centrale, puis orientale et de la mer Noire dans un passé récent, et aujourd’hui de la Méditerranée (Croatie, Albanie) accroît l’influence, la profondeur géostratégique et les capacités de projection de puissance aussi bien des États-Unis que de l’Europe. Au début des années 90, l’objectif des anciens pays de l’Est est évident : créer un « cordon démocratique » reliant la Baltique à la mer Noire afin d’endiguer toute influence russe. Ce qu’Antony Lake, Conseiller à la sécurité nationale du président Clinton, désigne dès 1993 comme la stratégie « d’élargissement », vers l’Est, de la zone d’influence, de sécurité et de prospérité contrôlée par les Américains. Pour ces derniers, gagner l’Europe réunifiée doit permettre aux forces américaines, comme aux appareils de défense européens, de se concentrer sur les nouvelles menaces, dont on gage alors qu’elles naîtront ailleurs.
Aujourd’hui, l’extension de l’Alliance s’inscrit effectivement dans un jeu de luttes d’influence géopolitiques, géoéconomiques, géo-stratégiques et géoculturelles entre Américains, Européens, Chinois et Russes pour la région s’étendant du Maghreb au Pakistan. L’« arc des crises » de guerre froide a de nouveaux adeptes : la course à l’influence ne concerne plus seulement l’Europe centrale et orientale ou le Caucase, mais le « Grand Moyen-Orient » galvaudé par le président Bush. C’est à l’aune de ces éléments qu’il faut comprendre le projet, défendu ardemment par quelques alliés, d’intégrer l’Ukraine et la Géorgie dans le Plan d’action pour l’adhésion ; pivots géopolitiques pour le contrôle des grands ensembles qui les bordent au Nord et au Sud.
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