La stratégie antiterroriste de l’Union européenne repose sur quatre fonctions : prévenir, protéger, poursuivre, réagir. Elle accorde une importance première au renforcement de la coordination entre les États membres et l’Union. Les événements du 11 septembre 2001 et leur traitement ont incontestablement impulsé de nombreuses actions dans le domaine de la sécurité. Dans quelle mesure les événements et les dispositions prises viennent-ils transformer la lutte contre le terrorisme ? A-t-on assisté aux logiques anciennes de retour aux frontières et aux clôtures territoriales ? Quelles caractéristiques ont émergé de cette mise en priorité de l’enjeu « terrorisme » au cours des sept dernières années ?
Union européenne et antiterrorisme
Renâclant à reprendre la métaphore guerrière des États-Unis à propos du « terrorisme », la stratégie de l’Union européenne comprend une multitude de mesures législatives et opérationnelles dont le volet militaire est substantiel mais loin d’être exclusif. Cette stratégie officielle se présente davantage sous les traits d’une approche transversale destinée à couvrir un vaste champ d’initiatives allant de la prévention à la réaction face à un acte terroriste. Articulée autour de quatre fonctions (prévenir, protéger, poursuivre, réagir), elle accorde une importance première au renforcement de la coordination entre les États membres et l’Union. Il s’agit d’accentuer les capacités européennes en vue de déployer des actions à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières communautaires.
S’ils ne marquent en rien les prémices de la collaboration européenne en matière de contre-terrorisme, les événements du 11 septembre 2001 et leur traitement ont incontestablement donné une nouvelle impulsion. Constat pour le moins banal, mais qui permet de mettre en perspective les continuités et changements qui traversent la politique antiterroriste européenne et la portée croissante qui lui est dévolue. Ces attentats mais aussi (et peut-être surtout) ceux perpétrés en 2004 à Madrid et en 2005 à Londres ont engendré des évolutions sensibles au sein de nombreuses structures nationales auxquelles les instances européennes ont répondu. L’accent a notamment été mis sur un renforcement des pratiques de coopération policière, judiciaire et de renseignement, que ce soit à l’échelle intra-européenne ou avec des pays tiers ; les relations transatlantiques étant particulièrement prégnantes dans ce cadre.
Dans quelle mesure les événements et les dispositions précitées viennent-ils transformer la lutte contre le terrorisme ? A-t-on assisté aux logiques anciennes de retour aux frontières et aux clôtures territoriales ? Quelles caractéristiques ont émergé de cette mise en priorité de l’enjeu « terrorisme » au cours des sept dernières années ? L’hypothèse défendue situe un des traits majeurs du contre-terrorisme actuel dans la multiplication et l’intensification des pratiques de contrôle à distance associées à des technologies de surveillance et basées sur des techniques de traçabilité. Qu’il s’agisse de contrôles aux frontières et de biométrie ou de renseignement financier, l’exigence d’avoir accès à un maximum de données personnelles — qu’elles soient d’origine publique ou privée — a acquis un rôle central dans le but de gérer activement le risque terroriste (1). Plutôt que de s’en tenir comme trop souvent à une description sommaire et trop générale, nous nous proposons ici d’interroger ces pratiques et les enjeux qui s’y rapportent en prenant pour exemple un aspect précis de la politique européenne. La lutte contre le financement du terrorisme constitue ainsi un exemple éclairant des continuités sous-jacentes aux mesures européennes souvent peu prises en compte dans les études sur ce que serait l’antiterrorisme « post-11 septembre ». Cet aspect financier va nous permettre d’analyser les méthodes et coopérations à l’œuvre, notamment entre entités publiques et privées, et mettre en lumière les tensions existantes autour des relations entre mobilité (ici des capitaux), sécurité collective et libertés individuelles.
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