Malgré une coopération inter-institutionnelle ponctuelle et des accords censés clarifier leurs rapports, une collaboration permanente entre l’Union et l’Otan paraît de plus en plus improbable. Tandis que le débat sur la relation UE-Otan a été résumé par les « trois D » (ni découplage, ni duplication, ni discrimination) à la fin des années 90, le lien UE-Otan se caractérise aujourd’hui par une dynamique concomitante de coopération, de concurrence et de complémentarité, « trois C » dont la tension permanente rend largement imprévisible l’interaction des deux organisations.
Des « trois D » aux « trois C » : l'interdépendance ouverte du rapport UE-Otan
Les efforts pour établir une hiérarchie organisationnelle entre l’UE et l’Otan en matière de sécurité et de défense sont restés vains, en dépit d’un rapprochement négocié des deux organisations depuis la fin des années 90. L’Otan et l’UE sont désormais liées tant du point de vue politique que juridique à travers les accords dits de « Berlin + ». Ces derniers permettent à l’UE de compenser son déficit structurel en matière de planification et de capacités militaires en ayant recours aux structures de l’Otan. Derrière cette apparente « aide technique », se cache un compromis entre ceux qui ont la volonté de construire une défense européenne autonome et ceux qui cherchent à préserver la primauté de l’Otan en la matière. Or, une collaboration permanente et structurée entre l’Union et l’Otan paraît de plus en plus improbable à l’avenir. En dépit de deux expériences de coopération qui ont été menées avec succès, le schéma « Berlin + » ne semble pas être applicable au-delà des Balkans. De plus, les deux organisations sont de plus en plus en concurrence aujourd’hui et la question de leur articulation hiérarchique reste beaucoup plus ouverte que ne le laissent penser les arrangements « permanents » négociés pendant de longues années.
La présence simultanée de l’UE et de l’Otan sur le terrain se caractérise cependant aussi par un grand potentiel de complémentarité. Loin des discours sur la « fin » de l’Otan ou de celui sur l’impossibilité d’établir une PESD autonome, il apparaît au contraire que le développement d’une organisation ne se fait pas nécessairement au détriment de l’autre. Dans la mesure où les méthodes, les moyens, les capacités et, surtout, la culture stratégique varient fortement d’une organisation à l’autre, cette complémentarité est susceptible de générer des synergies et des formes de coopération interinstitutionnelle aussi concrètes qu’inédites. Paradoxalement, les accords qui auraient dû rapprocher l’Union et l’Otan créent de plus en plus de contraintes négatives, plutôt que de renforcer leurs liens.
C’est ce lien complexe de l’Union et de l’Alliance atlantique que nous qualifions d’« interdépendance ouverte ». La structuration du lien des deux organisations offre à la fois de nombreuses possibilités d’interaction et génère des contraintes réciproques. Les formes d’interaction des deux organisations dépendent toutefois moins des accords officiels que du contexte international, des lieux d’intervention, de la volonté politique respective des membres des deux organisations et de l’action coopérative ou concurrentielle des Secrétaires généraux de l’Otan et du Conseil de l’UE. Dans la mesure où l’évolution de chacune de ces variables est de plus en plus imprévisible, la nature du lien concret qu’entretiennent les deux organisations est devenue très volatile. Tandis que le débat sur la relation UE-Otan a été résumé par les « trois D » (ni découplage, ni duplication, ni discrimination) à la fin des années 90, l’objectif de cette contribution est ainsi de montrer qu’il se structure aujourd’hui autour de « trois C » qui caractérisent le lien UE-Otan de manière concomitante : coopération, concurrence, complémentarité.
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