Un nouveau débat sur l’avenir de la dissuasion nucléaire s’annonce, préempté par quelques manœuvres politiques. La nécessité de rebâtir l’équilibre stratégique entre les États-Unis et la Russie, avant l’échéance du 5 décembre 2009 pour le Traité START, fixe même une première limite au calendrier, sans compter la préparation de la prochaine conférence d’examen du TNP. La perception de la menace principale a changé, mais aussi le cadre et certaines modalités de la dissuasion. Loin d’être devenue désuète, elle s’intègre dans une vision plus globale. Le réalisme l’emporte sur l’idéalisme.
Morale et efficacité dans le débat nucléaire
The nuclear debate: ethics versus effectiveness
Following some political manoeuvring, a new debate on the future of nuclear deterrence is about to resurface. And a first deadline has been set by the need to restore the strategic balance between the United States and Russia before the START Treaty ends on 5 December 2009, as well as by preparation for the next NPT Review Conference. Perception of the main threat has changed, but so have concepts of deterrence. Far from outmoded, deterrence forms part of a broader vision in which realism has the edge over idealism.
Le débat nucléaire va renaître pour divers motifs. Le président Obama, même s’il cherche à interposer Hillary Clinton entre sa préoccupation de la situation intérieure et les problèmes internationaux, n’y échappera pas. Ayant réussi un essai nucléaire avant le 1er janvier 1967 (1), la France est un État officiellement doté de l’arme nucléaire (Edan). De ce fait, elle ne peut non plus s’en désintéresser. Certes, elle a moins besoin de dissuasion que de moral, d’esprit civique et de patriotisme. Tout ayant été fait, toutefois, pour qu’elle soit privée de cet essentiel, l’arme nucléaire reste pour elle un ersatz de grandeur, une garantie contre une forme du pire, mais qui ne peut la protéger contre les autres menaces. Son arsenal nucléaire, bien réduit, restant donc indispensable, la France doit le maintenir en tenant compte de l’évolution des concepts mondiaux, de l’environnement mondial, mais aussi en réponse aux événements intérieurs significatifs, comme les élections ou les déclarations de personnalités politiques majeures.
Revoir les Traités
La première raison de résurrection du débat, éteint depuis la fin de la question des Euromissiles, est l’urgence de remplacer ou renouveler les accords bilatéraux avec la Russie, à un moment où les dissensions avec les États-Unis atteignent un niveau inquiétant. L’indépendance donnée au Kosovo parce que les Albanais l’ont « nettoyé » de leurs légitimes habitants serbes, alors que les communautés russes sont empêchées d’accéder à une simple autonomie, et la prétention de faire entrer l’Ukraine et la Géorgie dans l’Otan ont ranimé en Russie une sorte de paranoïa. Or le Traité Start-1 vient à expiration en 2009 et il est urgent de reconstruire le traité sur les armes nucléaires à portée intermédiaire et celui sur l’équilibre des forces conventionnelles en Europe. La menace de rejet russe de ces deux dernières limitations signifie que le vieux continent se retrouve l’otage des conséquences de l’aventurisme américain. L’installation en République tchèque d’un ancien radar du centre d’expérimentation antibalistique du Pacifique, et en Pologne d’un ensemble d’intercepteurs, en nombre trop faible pour menacer l’arsenal russe, devient pour la Russie la preuve d’une grande manœuvre pour l’abattre. Calmer la tension sera donc un impératif primordial pour le nouveau président.
Le débat va aussi toucher B. Obama sur le plan intérieur, face aux investissements réclamés pour consolider en un seul établissement moderne les différents établissements hérités du passé, qui construisaient l’arsenal de la guerre froide, et pour réaliser une nouvelle tête nucléaire (RRW : Reliable Replacement Warhead) pour un arsenal restreint.
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