Revues étrangères - Panorama stratégique de la presse européenne
Alors que ce printemps risque d’être décisif en Afghanistan, le parcours des principales revues de défense de nos Alliés européens permet d’avoir une idée précise de leurs préoccupations, dont le point commun reste le théâtre afghan.
Ainsi, le numéro de décembre (n° 258) de la Revista española de defensa souligne l’effort espagnol pour les Opex. En 2009, près de 3 500 soldats ont ainsi été déployés dans plusieurs théâtres, ce qui marque une progression constante depuis plusieurs années. Quatre théâtres principaux voient la participation des forces de Madrid. Dans les Balkans, en Bosnie, environ 200 fantassins de Marine (1) sont engagés dans le cadre de la force de l’Union européenne. À l’inverse, pour des raisons de politique intérieure, Madrid avait retiré ses troupes du Kosovo. Le Liban, avec plus d’un millier de soldats, constitue désormais un enjeu majeur d’autant plus, que pour la première fois de son histoire récente, l’Espagne a pris le commandement d’une opération de l’ONU. En effet, le général de division Alberto Asarta vient de succéder à un général italien à la tête de plus de 12 000 casques bleus venant de 29 pays. C’est une reconnaissance réelle des capacités et des compétences des militaires espagnols. L’autre théâtre essentiel reste, bien entendu, l’Afghanistan où Madrid vient de décider de renforcer sa présence en passant de 1 000 à plus de 1 500 militaires, à l’issue de la conférence de fin janvier à Londres. La lutte contre la piraterie maritime est également devenue une mission majeure pour l’Armada avec le déploiement de plusieurs navires de guerre et un avion de patrouille maritime dans l’océan Indien dans le cadre de l’opération Atalante conduite par l’Union européenne. La capture du thonier espagnol Alakrana, puis sa libération à la suite du versement d’une rançon, ont ainsi entraîné l’Espagne à autoriser l’embarquement de vigiles privés sur les bateaux de pêche espagnols qui sont sur zone. Ces quatre opérations sont, selon une enquête de l’Institut royal Elcano, soutenues sans ambiguïté par l’opinion publique espagnole ; 74 % des Espagnols approuvent la participation de leurs forces armées à ces Opex. C’est Atalante qui est la mieux perçue. Pour l’Afghanistan, les sondés restent favorables à la poursuite de l’engagement national, mais considèrent à plus de 90 % que la situation est très risquée pour les soldats espagnols. Cette étude, réalisée trois fois par an, est très importante pour le gouvernement confronté à la crise économique et qui s’appuie, ce semestre, sur la présidence de l’Union européenne pour renforcer son image. Une dernière information mérite d’être relevée dans ce numéro avec l’adaptation de la formation de l’École navale en adéquation avec le processus universitaire européen dit de « Bologne ». À la rentrée de septembre, toutes les universités espagnoles s’aligneront sur ce modèle et il en sera donc de même pour les trois grandes écoles militaires. Pour l’École navale, cela se traduira par l’attribution d’un titre d’ingénierie industrielle mécanique. Cette année, trois élèves officiers américains et deux Français suivent cette formation avec leurs homologues espagnols. Cette adaptation du processus de Bologne touche l’enseignement académique, mais préserve la formation militaire qui s’achève avec la croisière école sur le voilier Juan Sebastian Elcano, la « Jeanne » espagnole.
Pour le Portugal, la Revista militar de novembre (n° 2494) (2) apporte un éclairage intéressant sur la perception croisée des menaces par Lisbonne et Madrid. Un article du colonel João Vieira Borges, conseiller auprès de l’Institut de défense nationale portugais, se penche sur l’analyse des menaces pouvant impliquer la péninsule Ibérique et donc sur les besoins en sécurité et défense qui en découlent. Comme pour la plupart des pays européens, les menaces directes contre l’intégrité territoriale ont disparu. Cela ne signifie pas la disparition des risques. Pour l’auteur, ceux-ci sont plus nombreux, plus complexes et imposent aux États un effort supplémentaire et global dans lequel l’approche militaire n’est plus centrale. C’est ainsi qu’il y a un accroissement des missions des forces et services de sécurité au détriment des forces armées. Le Portugal et l’Espagne partagent non seulement le même espace géopolitique, mais également les mêmes valeurs politiques, culturelles et sociales. Les menaces sont similaires avec cependant une différence liée au terrorisme. Madrid doit en effet prendre en compte le terrorisme basque de l’ETA et celui lié à l’islamisme radical venant d’Afrique du Nord. De plus, la question des Présides (3) reste centrale pour les Espagnols. Lisbonne se sent moins vulnérable sur cet aspect. L’auteur souligne également l’inquiétude partagée sur l’Afrique, riche de ses ressources naturelles, mais en proie aux instabilités régionales. Les études menées auprès des opinions publiques des deux pays indiquent également la préoccupation partagée sur les risques induits par le crime organisé, la prolifération nucléaire et le rôle déstabilisateur de l’Iran et enfin, l’approvisionnement en énergie. Dans les nouvelles menaces, deux retiennent particulièrement l’attention, la piraterie maritime et les pandémies. Le caractère maritime des deux pays influe directement sur leur stratégie avec notamment leur implication dans la lutte contre la piraterie maritime dans l’océan Indien. Au final, l’auteur insiste sur le besoin d’accroître les outils institutionnels entre les deux États avec une vision plus globale de la sécurité. Il n’hésite pas d’ailleurs à évoquer une transformation interne possible au Portugal avec la création envisageable d’un ministère de la Sécurité et de la Défense disposant d’un secrétariat d’État de la composante militaire. Cette évolution suggérée méritera d’être observée de très près…
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