Une république militairement divisée en deux après avoir été artificiellement créée par des puissances extérieures ; deux communautés devenues viscéralement hostiles au terme d’une histoire aussi longue que déchirée ; deux États à la fois « garants » de cette république et membres d’une même alliance militaire, mais non moins hostiles, une ex-puissance coloniale solidement installée et qui entend jouer pleinement son rôle grâce à ses deux bases militaires ; enfin les inévitables supergrands, avec leurs artifices habituels : diplomatie, congrès, politique d’assistance, visites officielles, services secrets… chacun s’efforçant au moins d’empêcher l’autre de gagner du terrain à défaut d’obtenir l’extension de son influence, sans oublier un joli bouquet de principes aussi généreux que contradictoires, comme l’unité et l’indépendance, la légitimité et l’autodétermination, l’appartenance au monde occidental et la politique de non-alignement… principes auxquels prêtent volontiers tribune et audience les Nations unies qui, entre maintes initiatives de médiation, ont aussi envoyé leurs « casques bleus » dans cette île, il y a plus de vingt ans.

Chypre

Voici, résumés à l’excès, les principaux ingrédients d’une crise permanente dont on imagine les implications aux dimensions multiples, débordant chaque fois des modestes frontières insulaires, pour préoccuper pratiquement tous les grands acteurs de la vie internationale. La raison en est simple : l’enjeu stratégique que représente Chypre éclate immédiatement au regard de l’observateur dans une région où l’on a trop souvent recours à l’emploi de la force. Propice à des opérations de grande envergure, cette île est, sans conteste, le pivot stratégique de la Méditerranée orientale et, à ce titre, l’objet de convoitises pour toute puissance présente dans cette mer.