Les nouvelles données géopolitiques et économiques qui sont en train de s'établir dans l'océan Indien concernent au plus haut point Paris en raison du rôle significatif que pourrait jouer La Réunion dans cette partie de la planète. Les résultats contrastés de notre département d'outre-mer alimentent cependant quelques incertitudes. Toutefois des espoirs demeurent en raison des atouts spécifiques de cette terre du bout du monde qui partage depuis longtemps une belle histoire avec la France. L'auteur brosse un tableau très complet de la situation et de son enjeu.
Quel avenir pour La Réunion ?
Florebo quocumque ferar (je prospère partout où je m’installe). La devise qui figure sur les armoiries de La Réunion traduit bien les sentiments de la France depuis plus de trois siècles à l’égard de cette terre lointaine dans l’océan Indien. Nommée d’abord Mascarin en souvenir du navigateur portugais Pedro Mascarenhas qui l’aurait abordée au début du XVIe siècle, l’île est sporadiquement visitée par quelques aventuriers, mais aucun ne s’y installera d’une façon durable. En 1642, des mutins y sont déportés par Jacques Pronis, gouverneur de Fort-Dauphin à Madagascar, où la compagnie française de l’Orient fondée par Richelieu avait établi un comptoir. Le naturaliste et écrivain Étienne de Flacourt, successeur de Pronis, voulut par la suite s’informer sur place de la situation des prisonniers exilés par son prédécesseur. La mission qu’il envoya à Mascarin pour tenter de les récupérer réserva bien des surprises. S’attendant à voir les déportés dans un état de grande faiblesse, les missionnaires les trouvèrent au contraire dans une excellente condition physique. Les détenus réintégrèrent Fort-Dauphin en conservant une très forte nostalgie de leur prison dorée. Vivement impressionné par leurs témoignages, Étienne de Flacourt comprit le parti que l’on pouvait tirer de cette région inhabitée et située de surcroît sur la route des Indes. Quelques années après Pronis, il prit possession une seconde fois de l’île au nom du roi de France en un lieu baptisé justement « La Possession », emplacement où s’est bâtie à quelques kilomètres à l’ouest de la capitale Saint-Denis, l’actuelle ville qui porte toujours ce nom. En 1649, cette terre fut alors appelée « île Bourbon » en hommage à la dynastie régnante. Ainsi naquit la passion qu’éprouve toujours notre pays pour cette contrée attachante de l’hémisphère austral. Depuis cette date, elle n’a jamais cessé d’être française.
Le peuplement de la région va s’accélérer sous l’impulsion de Colbert. Les colons français y favorisent notamment la culture du café et celle du manioc. La population est encore renforcée par l’arrivée de nombreux esclaves en provenance d’Afrique (Mozambique, Sénégal, Guinée) et de Madagascar. Au cours de cette période, on assiste au développement d’un double phénomène : prolétarisation des petits colons blancs et « marronages » (fuites) des esclaves noirs (appelés cafres) des plantations du littoral. Les deux communautés vont s’implanter dans la « zone des hauts ».
En 1793, l’île Bourbon devient l’île de La Réunion, en souvenir du rassemblement des Marseillais et des gardes nationaux à la bataille de Jemmapes. Malgré les visées de l’Angleterre dans la zone, la colonie reste française au traité de Paris en 1814, alors que Maurice devient anglaise. L’économie locale prend un nouvel essor sous l’incitation des frères Desbayssins qui introduisent la culture de la canne à sucre, et d’Edmond Albius celle de la vanille. La publication en 1869 d’un arrêté interdisant le recrutement des travailleurs à Madagascar et en Afrique va contraindre les exploitants à faire appel à une main-d’œuvre abondante en provenance de l’Inde. Une convention franco-anglaise autorisera l’immigration dans l’île d’une importante communauté indienne. Ce sont les ancêtres des Malabars qui habitent encore aujourd’hui La Réunion.
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