Après une histoire mouvementée et de nombreux déchirements humains, le Zimbabwe a enregistré de bons résultats économiques non seulement en raison des ressources locales importantes, mais aussi à cause de la politique pragmatique de ses dirigeants au lendemain de l’indépendance. Toutefois, l’avenir de ce pays enclavé de l’Afrique australe paraît menacé par certains paramètres explosifs qui pourraient endommager le tissu social.

UN PASSÉ AGITÉ

Trois faits dominants ont façonné l’histoire du Zimbabwe : les dissensions tribales, l’afflux des colons attirés par les richesses minières et la longue lutte de libération qui a abouti à l’indépendance puis à la venue au pouvoir de Robert Mugabe.

L’antagonisme viscéral qui existe entre les Shonas (80 % de la population) et les Matabélés trouve ses origines dès le XIX^e siècle. Pendant près d’un millénaire, les Shonas occupent les hauts plateaux du Mashonaland sans subir d’intervention étrangère. Vers 1830, les Matabélés qui cherchent à échapper aux expéditions punitives menées contre eux par le roi zoulou Shaka pénètrent dans la région. Ils s’installent par la force dans la partie sud-ouest du pays shona. Le souverain matabélé Lobengula y proclame son autorité malgré l’opposition des chefs shonas locaux qui refusent tout lien d’allégeance avec les nouveaux occupants. Pendant plus d’un siècle, des luttes farouches opposent alors périodiquement les deux ethnies rivales. Le dernier affrontement à grande échelle remonte à 1983 : « la révolte du Matabeleland » est durement réprimée par l’armée, encadrée à cette occasion par plusieurs centaines d’instructeurs nord-coréens. Ce tragique épisode constitue encore l’un des contentieux majeurs divisant les deux communautés. En raison de ces déchirements ethniques, le pays n’a jamais été en mesure de réaliser pleinement sa cohésion sociale.