Politique et diplomatie - Politique et stratégie au Sud
Pour nous, Français, le Sud, c’est, essentiellement, le pourtour méditerranéen de l’Afrique et de l’Asie, ainsi que l’intérieur des terres loin en Afrique et jusqu’aux abords de l’océan Indien sur le continent asiatique. Au-delà, bien sûr, nous avons des intérêts, sans parler de l’extension de notre république aux quatre coins du monde. Ces intérêts tiennent à l’économie, à la culture, à la protection de valeurs que nous jugeons cardinales, et aussi à des préoccupations d’ordre stratégique sur des terres du Pacifique et sur les mers ; mais, sur le plan de la défense et de la coopération militaire, le Sud qui est l’objet primordial de nos réflexions, comme naguère de notre action — dans le Golfe et au Tchad, par exemple — est celui qui vient d’être défini.
Nous nous trouvons là, à l’évidence, devant des situations fort différentes de celles qui existaient dans le camp du Pacte de Varsovie, en fonction desquelles nos dispositifs de défense avaient été conçus. S’impose donc un effort de réflexion et d’organisation pour tenir compte des changements survenus ou attendus à l’Est, moins dangereux, et au Sud, plus préoccupants. Encore faut-il placer les réflexions sur cette dernière région dans son cadre de données politiques, économiques et sociales. La sécurité, en effet, implique plus que le pouvoir de riposter aux attaques ou de dissuader d’y avoir recours. Aussi bien doit-on prioritairement prendre en compte les déséquilibres existants afin d’y porter remède avant qu’ils n’incitent à des rééquilibrages violents sinon désespérés. Faute de quoi, le sentiment de sécurité ne reposera que sur un rapport de forces qui ne constituera pas une assurance valable en tous lieux, en tout cas, en tout temps.
Or la Méditerranée — c’est bien connu — sépare deux univers. Au Nord, un ensemble de populations riches, avec un système de valeurs démocratique et libéral, en voie de structuration économique et peut-être politique, militairement rassemblé, doté d’un arsenal fourni ainsi que d’un allié tout-puissant. Au Sud, des peuples pauvres, sauf en Orient des exceptions bien connues, et prolifiques, dans des sociétés où persistent des archaïsmes, peuples trop souvent opposés dans des conflits de temps en temps ravivés, auxquels s’ajoutent des déchirements internes. Nulle part au monde l’opposition entre Nord et Sud n’est aussi vive ni aussi proche. Dans de telles conditions, toute ambition de sécurité qui ne reposerait pas sur la réduction des écarts s’épuiserait dans le verrouillage faute d’améliorer le voisinage. Paysage typique du Tiers Monde, dira-t-on, tout en reconnaissant que les abîmes y sont plus profonds qu’ailleurs. Il ne s’agit pas seulement de cela en ce qui nous concerne. Notre pays se trouve là aux avant-postes de l’Europe. Dans cette zone de turbulence se trouvent de vieux amis, que nous nous pardonnerions mal d’abandonner politiquement avant, sans doute, de le faire culturellement ; et ce que nous ne ferons pas, personne ne le fera à notre place.
Il reste 83 % de l'article à lire
Plan de l'article