Yougoslavie, Cambodge, Somalie, Angola, Azerbaïdjan, Koweït, Iran, Irak, Pakistan, Inde, et tant d’autres points du monde où il ne manque même pas l’étincelle pour mettre le feu aux poudres : notre monde est redevenu ce que, en fait, il n’a jamais cessé d’être pendant le demi-siècle écoulé : un vaste champ de bataille. En effet, si l’on a pu en Occident avoir l’illusion de la paix, c’était une vue bien européenne des choses et la stratégie indirecte à laquelle se livraient les deux superpuissances d’alors nous rappelle que jamais la vraie paix, universelle, totale, n’a régné réellement.

Toutefois, il y a désormais une différence fondamentale : alors que pendant toute la période de la guerre froide, les conflits étaient nécessairement limités par le jeu de la dissuasion Est-Ouest, il n’y a plus maintenant de raison qu’ils ne s’étendent pas et n’embrasent l’ensemble de la planète. Le pouvoir « pacificateur » de l’atome, qui a fait merveille pendant le demi-siècle écoulé, est soudain annihilé et la guerre redevient possible, non seulement dans des limites régionales, mais aussi à l’échelle de la planète, impliquant petites, moyennes ou grandes puissances.

Le déclenchement des guerres répond, depuis que le monde est monde, à un schéma, hélas trop connu et combien de fois vérifié ! Il existe un engrenage fatal qui conduit au conflit armé. De l’escalade des menaces et des déclarations enflammées, dans lesquelles chaque camp se renforce dans la justesse de son droit, à celle de l’emploi de moyens militaires de plus en plus importants, cela débouche sur l’enchevêtrement des puissances, toujours plus nombreuses à s’impliquer dans le conflit dans un clan suicidaire irraisonné. Rappelons-nous les nombreux siècles de guerres européennes et la façon irresponsable, insensée, dont les grands conflits se sont enclenchés : du manifeste de Brunswick à la dépêche d’Ems, ce qui a débuté dans l’enthousiasme, la fleur au fusil, s’est achevé dans les cataclysmes sanglants et dans la folie destructrice.