« Choisir notre conduite envers l’Allemagne, c’est choisir, 
en premier lieu, l’idée que nous nous faisons de la France ». 

Pierre Viénot, Incertitudes allemandes, 1931.

Combien il semble difficile de porter sur l’Allemagne, notre principal partenaire et ami, un regard serein, dénué de doute ou, de crainte ⁽¹⁾. En mai 1996, la revue Esprit reprenait une fois de plus la fameuse expression de Pierre Viénot : « L’Allemagne de nos incertitudes ». L’Europe sera-t-elle allemande ? Leçons d’une enquête sur le modèle allemand. L’Allemagne constitue-t-elle un phare pour l’Europe ?

Exemple d’efficacité, de solidité et de performance, elle veut, avant tout, apparaître comme une puissance discrète, estimait Lucas Delattre correspondant du journal Le Monde à Bonn. Elle n’a d’autre aspiration que de promouvoir la paix, la stabilité et la sauvegarde de l’environnement en Europe. Vision juste, mais tout de même partielle, dans la mesure, nous le verrons, où Bonn est doté d’un projet plus global basé sur le régionalisme, les disciplines monétaire (la banque indépendante) et constitutionnelle (le tribunal constitutionnel de Karlsruhe), l’économie sociale de marché, le consensus social… Journalistes, universitaires, hommes politiques et écrivains ne cessent de mettre l’accent sur les nombreux malentendus franco-allemands malgré l’intense dialogue institutionnel. Pour Anne-Marie Le Gloannec et Pierre Hassner, la référence à un « modèle allemand est cependant plus révélatrice des obsessions que des réalités françaises ».