À partir d'un article dans un journal allemand (Ein neues Heer für neue Aufgaben [une armée — de terre — nouvelle pour de nouvelles tâches], telle est actuellement la nouvelle marotte officielle de l’Allemagne), l'auteur, docteur en études germaniques et possesseur d'un DEA de défense nationale et sécurité européenne, nous livre ses réflexions sur la défense future et, en particulier, sur les nouvelles missions de la Bundeswehr.
Libre opinion - Allemagne : une nouvelle Bundeswehr ?
La conclusion d’un long article paru l’an dernier, vers la mi-août, dans le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung peut surprendre : il faudrait un « nouveau mode de pensée stratégique » ! Pour quoi faire ? De la projection de forces ? De la protection hors et loin de nos frontières ? Soyons réalistes et très concrets : avons-nous la force, les moyens, le courage, la volonté d’empêcher les éruptions militaires ? Nous avons surtout des mots, de belles paroles, et parfois, effectivement, de quoi nous interposer et faire du maintien de la paix, plus rarement du rétablissement de la paix. Parallèlement, on verse dans l’humanitaire ou le civilomilitaire, ce qui permet aux plus habiles ou aux moins scrupuleux de mettre des pièces sur l’échiquier économique mondial, de se placer pour la phase ultérieure de reconstruction, et surtout de se préparer financièrement à ramasser la mise. C’est la parfaite illustration du principe : comment d’un mal faire un débouché et une source de revenus ? Que veulent les malheureux ? Manger, vivre libres, pratiquer leur religion (et non tyranniser en son nom). Où est ici la pensée stratégique ?... Serait-il raisonnable de suivre l’auteur de l’article dans cette voie ?
La défense nationale : mission des armées
Quelle est la mission principale de nos armées ? Deviendrait-il choquant de rappeler qu’elles doivent nous défendre, nous et notre premier cercle d’alliés avant tout ? Peut-on reprocher au gouvernement allemand d’avoir un tel objectif ? Bien sûr la défense du territoire n’est plus le seul critère déterminant, le pré carré s’est restreint et notre village est devenu mondial ! Mais que cela prouve-t-il ? Qu’en conclure ? Faut-il s’offusquer du meilleur équipement et de l’entraînement plus poussé des KRK (1) ? On manquerait de cohérence si on le déplorait tout en souhaitant que son pays participe aux opérations extérieures, comme la France ou l’Angleterre. Faut-il s’étonner qu’il existe, de fait, une « armée à deux vitesses » dans ces cas-là, même si l’on répugne à utiliser l’expression ? Si les HVK (2) sont environ trois fois plus nombreuses que les KRK, c’est parce que la mission principale est bien toujours celle qu’on veut dénigrer aujourd’hui. Et quand bien même l’Allemagne devrait sortir de ses frontières ? Se mêler aux affaires des autres, comme le font les Français ou les Américains ? Assumer de nouvelles responsabilités ? Il y a 3 000 militaires allemands en Bosnie (qui est un peu l’Afrique de l’Allemagne), dont 2 000 rien qu’à Rajlovac (3), près de Sarajevo, dans un seul camp d’un kilomètre de long. Beaucoup d’Allemands en sont déjà à leur deuxième séjour, certains à leur troisième. Cette fréquence n’indique-t-elle pas que la ressource paraît faible ? Le nouvel engouement allemand atteindra vite ses limites, d’autant qu’il s’agit (pour combien de temps encore ?) d’une armée de conscription… pour laquelle l’auteur exprime sa préférence. Contrairement à ce qui avait été déclaré en France, en partie pour faire accepter cette réforme, une armée de métier coûtera plus cher. En contrepartie, sera-t-il plus aisé de l’utiliser, sans avoir de comptes à rendre aux parents d’appelés, c’est-à-dire à l’opinion publique et aux électeurs ? Rien n’est moins sûr : le contrôle parlementaire sur les forces projetées et le coût des opérations extérieures seront accrus en France. Opacité et souplesse d’emploi contre l’abandon de la conscription ne constituent pas un pari gagné.
Toujours est-il que l’auteur devra être cohérent à l’avenir s’il entend poursuivre implicitement la comparaison avec la France, à moins qu’il n’ait d’yeux que pour les États-Unis, car nos deux pays sont assez similaires, avec des « responsabilités » différentes, certes. Quoi qu’il en soit, le dispositif militaire et la défense coûtent cher, c’est une assurance fort onéreuse. Et là encore la France, critère de comparaison implicite, répétons-le, n’est guère mieux lotie que l’Allemagne avec des responsabilités moindres et qui n’opère qu’en Bosnie. La part du budget que la France réserve à sa défense est supérieure : 190 milliards de francs. D’après l’auteur et l’Otan, l’Allemagne ne consacrerait que 1,6 % de son PIB à sa défense, soit 160 milliards de francs. On a longtemps épilogué sur le 1 % du Japon… L’essentiel ne réside pas dans le pourcentage, mais dans la masse financière que ce chiffre représente et qui permet de financer des programmes.
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