Les 2 et 3 juillet 1998, se sont tenues à Lugo (Galice) les « Journées européennes des représentants territoriaux de l'État ». Elles avaient pour thème la gestion des crises. M. Jean Riolacci, préfet et conseiller d'État, met en évidence les bienfaits d'une construction intellectuelle cohérente face aux exigences d'une adaptation à l'évolution de la société et de l'esprit public.
La gestion des crises : atouts et limites de la conception française
Ce concept est le fruit de notre tradition politique, l’État unitaire qui imprègne notre droit public. Il repose sur un principe de base : toutes les crises ont un socle commun, qu’elles soient liées à l’ordre public, depuis le trouble grave jusqu’à la mise en cause de la sûreté de l’État, qu’elles relèvent de la protection des populations — risques provenant de l’homme ou de la nature —, qu’elles résultent de conflits sociaux ou de retombées de tensions extérieures. Dans ce dernier cas, domaine privilégié de la défense du territoire, la frontière avec la défense militaire, bien évidemment, s’estompe.
Certes, la dose d’intervention étatique peut varier selon le caractère de la crise, mais les fondements de la parade des pouvoirs publics restent les mêmes ; les moyens et les procédures aussi. On doit souligner l’importance de cette « globalité » de la posture de défense, en doctrine, qui nous distingue, pour simplifier, de la conception anglo-saxonne. Cependant, cette « couverture globale et permanente » contre toutes les formes d’agression n’est pas seulement fondamentale en ce qui concerne le concept : c’est elle qui justifie un crescendo progressif et programmé des « états de crise », depuis la simple vigilance — ainsi le plan Vigipirate, récemment déclenché pour la lutte antiterroriste, système de veille et de surveillance renforcée — jusqu’à la mise en œuvre de législations d’exception pouvant comporter des restrictions aux libertés publiques et impliquant la notion de risque insurrectionnel. Le meilleur exemple « civil » est celui de l’état d’urgence, qui suppose l’aval du législateur. On retrouve ici le goût français, bien connu, pour les constructions juridiques compactes visant à dominer la diversité des situations et des conjonctures.
Dans le cadre politico-juridique ainsi rappelé, le concept français se traduit, dans les faits, avec l’accord de l’opinion, par une large délégation de pouvoir à « l’exécutif ». Deux données majeures en résultent.
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