Politique et diplomatie - La négociation avec l'Est après la ratification des Accords de Paris
Une fois ratifiés les accords de Paris — et il paraît invraisemblable que le vote de l’Assemblée ne soit pas confirmé par le Conseil de la République — les divers problèmes posés par les relations de l’Occident avec l’Est vont à nouveau préoccuper les gouvernements et les chancelleries, les Parlements et l’opinion publique. La déclaration de M. Mendès-France, qu’il souhaitait « des négociations parallèles » avec l’U. R. S. S. en même temps qu’il menait efficacement la bataille pour la ratification des Accords de Paris suscite des questions : d’abord, comme toujours, celle du « timing ». Quand convient-il de négocier ?
La formule employée par le Président du Conseil fait penser à un contact diplomatique continu, concomitant à la procédure de ratification, puis d’exécution. Il n’en est pas moins vrai que la procédure de ratification s’étendra sur une période de deux à trois mois au minimum ; et l’application des Accords, c’est-à-dire la constitution d’une force militaire allemande dans les limites et sous les contrôles prévus par les textes, s’étendra sur une période d’au moins un ou deux ans. Faut-il négocier après la ratification mais avant l’exécution ? Au cours de l’exécution, mais avant que soit réalisé le programme de remilitarisation de la République fédérale ? Ou faut-il attendre que les forces dont la création est prévue soient mises en place
Sur ces possibilités, les opinions en France peuvent diverger, et à plus forte raison celles des dirigeants français, américains et britanniques. Toutefois, à ce propos, deux remarques s’imposent. La première est que l’opinion publique, se fondant sur une interprétation de l’histoire des dix dernières années, confond à tort négociation et conférence internationale. La négociation est une action continue, menée par les voies diplomatiques normales. On pourrait même soutenir que les conférences internationales n’ont de sens que lorsque la négociation diplomatique se trouve irrémédiablement bloquée, c’est-à-dire dans les moments de tension. Encore faut-il, pour qu’une conférence soit réellement utile, que la diminution de la tension soit souhaitée par les principales parties en cause. Mais dans des périodes de détente, alors que les contacts diplomatiques normaux peuvent être utilisés, la conférence internationale perd de son intérêt. S’il est vrai que nous sommes actuellement dans une période de détente quant à nos relations avec l’U. R. S. S. et le bloc oriental, la réunion d’une conférence n’a donc pas un caractère de nécessité. La négociation peut se faire autrement et plus efficacement peut-être. La deuxième remarque est qu’il m’apparaît difficile, sinon impossible de ne pas aller jusqu’au bout de la voie dans laquelle l’Occident s’est engagé lorsqu’il rendit, progressivement à partir de 1949, sa souveraineté à l’Allemagne. Le rétablissement de la souveraineté allemande impliquait la constitution d’une force armée de la République fédérale. Si la souveraineté de la République fédérale, sitôt accordée par les Alliés occidentaux, s’était trouvée fondue dans une Communauté Politique Européenne, cette force armée de l’Allemagne eût figuré dans une armée européenne — bien qu’elle fût restée une force allemande ; — mais du moment où la communauté politique européenne a été écartée, l’Allemagne de l’Ouest souveraine ne pouvait pas ne pas avoir une armée nationale allemande. Aussi les accords de Paris devront-ils être exécutés. Il apparaît impossible d’envisager sérieusement qu’après avoir « rééduqué » les Allemands dans la haine du militarisme, après avoir obtenu qu’ils acceptent de former des contingents dans une armée européenne pour ensuite les engager à créer une armée nationale, les alliés occidentaux obtiennent de l’Allemagne qu’elle renonce à cette armée ou qu’elle se contente d’une moitié seulement des effectifs dont la mise sur pied est autorisée par les Accords.
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