Quelques mois après la sortie du du Burkina Faso, du Niger et du Mali de la Cédéao et la création de l'Alliance des États du Sahel par les trois États dirigés par des putchistes, Léon Koungou, professeur de relations internationales à l'Université Paris-Saclay fait le point sur les enjeux régionaux qui s'opèrent pour les trois pays sahéliens. Entre rupture avec la France, influence de la Russie et jeux économiques, sécuritaires et géopolitiques, quel avenir pour la confédération des États du Sahel ?
From the Alliance of Sahel States to the Confederation of Sahel States: Security Challenges of a New Sub-Regional Ensemble
A few months after the exit of Burkina Faso, Niger and Mali from ECOWAS and the creation of the Alliance of Sahel States by the three states led by putschists, Léon Koungou, professor of international relations at the University of Paris-Saclay, takes stock of the regional issues that are occurring for the three Sahelian countries. Between the break with France, the influence of Russia and economic, security and geopolitical games, what future for the confederation of Sahel States?
Le 6 juillet 2024 le général Abdourahamane Tiani (Niger) a reçu à Niamey ses deux compères putschistes de la sous-région, le colonel Assimi Goïta (Mali) et le capitaine Ibrahim Traoré (Burkina Faso). Les trois dirigeants se sont retrouvés à l’occasion du premier sommet de l’Alliance des États du Sahel (AES), l’organisation régionale qu’ils ont créée en septembre 2023 (Charte du Liptako-Gourma (1)) après avoir tourné le dos à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Pour la circonstance, le Burkina Faso, le Mali et le Niger se sont unis au sein d’une « Confédération des États du Sahel ».
La création de la Confédération des États du Sahel constitue une étape supplémentaire dans la volonté de rupture des États de l’AES. Bien plus, l’AES voudrait créer des passerelles entre la Cédéao et l’organisation consœur, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), dont le Tchad, un État proche de l’AES, est membre. À l’évidence la création de la Confédération fragilise la Cédéao. D’abord, parce qu’elle perd un morceau de territoire couvrant 2 758 000 km2, soit presque la moitié de la superficie de la Cédéao (6,1 millions km2), et comptant un peu plus de 70 millions d’habitants, soit un tiers de la population de la communauté ouest-africaine (210 millions). Ensuite, parce que cette fragilisation se révèle sur le plan diplomatique. La Cédéao multiplie les gestes d’ouverture et de bonne volonté à l’endroit des militaires putschistes. Collectivement, elle a renoncé aux sanctions et, individuellement, certains pays, à l’instar du Nigeria, ont déverrouillé leurs frontières.
La création de la Confédération par les États-membres de l’AES est avant tout une posture politique et un effet d’annonce visant à afficher des progrès alors que les difficultés sont nombreuses sur le plan interne. Si la volonté de tourner le dos à la Cédéao est affirmée, sur le terrain, l’union projetée présente des vulnérabilités.
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