Armand Colin, 2024, 272 pages
Dans notre nouveau « Parmi les livres », nous proposons un regard croisé sur l'ouvrage de Michael Levystone : Asie centrale, le réveil. Les auteurs considèrent qu'il s'agit là d'un ouvrage majeur afin de comprendre les enjeux liés à une région encore trop inconnue de nos sociétés occidentales et qui, pourtant, est à la croisée des chemins des enjeux contemporains, entre Russie, Chine et Europe.
Among the Books —Michaël Levystone, Asie centrale : le réveil
In our new "Among the Books", we offer a cross-examination of Michael Levystone's book: Asie centrale, le réveil. The authors consider it a major work for understanding the issues related to a region still largely unknown to our Western societies, yet which is at the crossroads of contemporary issues, between Russia, China, and Europe.
Au moment où les autorités russes ont signalé que, parmi les quatre auteurs de l’acte terroriste perpétré le 22 mars dans le Crocus City Hall, salle de spectacles située dans la banlieue de Moscou, se trouvait un ressortissant du Tadjikistan, la lecture de cet ouvrage sur l’Asie centrale s’avère bien utile. Ce, d’autant plus que lorsque l’on désigne les mouvements djihadistes « russophones », on tend souvent à confondre ceux du Caucase (Tchétchénie, Ingouchie, Daghestan), qui se trouvent dans la Fédération de Russie (1) et ceux provenant des cinq anciennes Républiques soviétiques d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan).
S’agissant du Tadjikistan, le plus petit et le plus pauvre de ces cinq pays, la situation paraît particulière. Bordant la Chine, c’est le seul à avoir une frontière aussi longue (1 347 km) avec l’Afghanistan et le seul à avoir toléré un parti islamiste, le Parti de renaissance islamique (PRI) fondé en 1990, qu’il n’a interdit que récemment. Surtout des dizaines de milliers de réfugiés tadjiks ont trouvé refuge en Afghanistan entre 1992 et 1993, à la suite de la guerre civile qui a secoué le pays où ils ont été instrumentalisés par les chefs de guerre. D’autre part, le Tadjikistan demeure un État fragile et poreux, régulièrement ensanglanté par les attentats islamistes commis notamment par l’État islamiste–Province du Khorassan (EIPK) – celui-là même qui a revendiqué l’attentat de Moscou –, renforcé depuis 2019 par les défections de responsables locaux au Tadjikistan. Les djihadistes tadjiks furent les combattants d’élite de Daech, ils faisaient partie de la garde prétorienne d’Abou Bakr al-Baghdadi, « calife » de l’État islamique de 2014 à sa mort en 2019.
L’agression russe en Ukraine, dont l’auteur décrypte les effets régionaux et la montée des tensions au Tadjikistan, a relancé l’activité de ces groupes djihadistes. Le fait que la Russie ait transformé sa 201e Division d’infanterie motorisée en base permanente en 2004 a accentué la dépendance sécuritaire du Tadjikistan envers la Russie alimentant la rhétorique islamiste. On retrouvera par ailleurs beaucoup d’éléments d’information sur l’islam centrasiatique dans ce livre : légitimité identitaire, subversion sécuritaire, instrumentalisation politique.
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